«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Comment raconter à votre enfant l’histoire de sa naissance ?

Arrivée d’un frère ou d’une sœur, questions sur la “fabrication” des bébés, ou envie d’en savoir plus, tout simplement… : les petits sont souvent curieux de l’histoire de leur naissance. La rédaction du magazine Pomme d’Api a interrogé des spécialistes pour vous accompagner dans le récit de ce moment si précieux du roman familial.

“C’était une nuit de grand vent. Par la fenêtre de la salle d’accouchement, on regardait les branches se balancer en attendant ta venue.” Cette histoire, Juliette et Thibault, les parents de Simon, 5 ans, la débutent toujours de la même façon. À chaque fois, le petit garçon l’écoute avec ravissement. Et pour cause : cette histoire, c’est celle de sa naissance. “Il nous demande très régulièrement de lui dire comment cela s’est passé. On feuillette les albums de photos, on ressort le faire-part”, raconte Juliette. Au-delà de la seule évocation d’un souvenir, relater à un petit l’histoire de sa naissance est essentiel. C’est en effet souvent entre 3 et 6 ans qu’un enfant commence à s’interroger sur la façon dont on fait les bébés. Et donc aussi sur sa venue au monde… Tout un programme ! “L’enfant est avide de ce récit car il a besoin de vérifier qu’il est né et qu’il est aimable”, résume Sylvie Prager-Séchaud, psychopraticienne et auteure de Les mémoires de naissance (éditions Dangles).

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

L’inscrire dans l’histoire familiale

L’enfant a besoin de “vérifier qu’il est né”, car raconter sa naissance à son enfant, c’est le mettre en contact avec des souvenirs que – consciemment du moins – il n’a pas. Mais c’est aussi l’inscrire dans l’histoire familiale. “La naissance, c’est le moment où on donne un nom, rappelle Myriam Ott, psychologue clinicienne. C’est le début du sentiment d’appartenance à une lignée, avec toutes ces personnes qui sont venues lui rendre visite : les grands-parents, les oncles, les tantes, les amis…”

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Ilyès, 4 ans, adore regarder les photos où, nourrisson, il passe de bras en bras dans les premières semaines de sa vie. “Une bonne occasion de lui rappeler qui est qui dans la famille”, raconte Inès, sa maman. “Cela permet d’éclairer la lignée et les racines, estime Sylvie Prager-Séchaud. Cela enveloppe l’enfant, comme un berceau autour de lui.”

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Enfin, l’enfant a besoin de “vérifier qu’il est aimable”, car raconter sa naissance, plusieurs fois, à sa demande, n’est rien d’autre qu’une preuve d’amour qu’on donne à son petit… notamment quand il a besoin d’être rassuré à ce sujet. “Cela rejaillit à plusieurs moments de la vie, confirme Myriam Ott. Par exemple, quand un petit frère ou une petite sœur s’annonce. Le fait qu’il ait lui-même été bébé échappe à l’aîné. Dans cette demande de récit, il y a le besoin de se sentir important, aimé.” Pour la psychologue clinicienne Brigitte Borsoni, coauteure de Des femmes, des bébés… et des psys (Érès), “raconter à l’aîné qu’on a aussi pris soin de lui quand il est né permet de faire baisser le niveau de rivalité qui peut se profiler à l’arrivée du deuxième enfant”.

Raconter… ce qui le concerne

Raconter la naissance, d’accord, mais raconter quoi ? “L’essentiel est de parler vrai, estime Brigitte Borsoni. Il n’est pas nécessaire de faire un faux récit parfaitement idyllique. Mais il n’est pas indispensable – si les choses ne se sont pas très bien passées – de dramatiser. L’enfant a besoin de savoir ce qui le concerne et seulement cela. Il a besoin de connaître des choses qui vont l’aider à grandir.” Pour Myriam Ott, l’important est de raconter “la rencontre, les premiers regards, le choix du prénom, combien il pesait… Autant de choses qui donnent de la valeur au moment”. Si l’accouchement a été un moment compliqué (lire plus bas “Que dire quand cela s’est moins bien passé ?”), rien n’interdit de prendre le temps, et de dire à l’enfant : “Je vais réfléchir et nous en reparlerons bientôt, c’est promis.”

“Et toi ?”

Dans ce récit, il convient de laisser une place à l’enfant. “On ne va pas tout dire en une fois, tempère Brigitte Borsoni. Il faut laisser la porte ouverte aux questionnements.” Et, pour Sylvie Prager-Séchaud, il est important de rendre l’enfant acteur de sa naissance. La psychopraticienne propose ainsi de lui demander : “Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? D’après toi, c’était comment ?” Évidemment, le petit ne livrera pas un récit circonstancié de sa venue au monde. Mais émergeront peut-être alors des ressentis, des émotions… qu’on pourra revisiter ensemble. Aude a ainsi demandé à ses jumelles comment elles étaient dans son ventre, juste avant qu’elle accouche. L’une des deux a répondu : “Oh nous, c’était bien : on jouait aux cartes et on mangeait des bonbons !”

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Comment raconter sa naissance à un enfant adopté ?

Dr Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre, médecin directeur de la Consultation Filiation-Consultation Médico-Psychologique (Cofi-CMP) à Paris, auteur de Destins de l’adoption (Fayard) :
« Raconter sa naissance à un enfant adopté, c’est avant tout lui raconter comment la famille est devenue “famille”, grâce à lui. Lui parler de sa naissance psychique. Il s’agit par là d’évoquer le désir qu’on avait d’un petit, puis la lettre ou le courrier annonçant son arrivée prochaine et enfin la rencontre. Ensuite seulement, les parents peuvent établir le maillage avec la “première” naissance. À ce stade, ce qui intéresse l’enfant, ce n’est pas tant l’informatif que le narratif. Il faut que les parents trouvent les mots par rapport aux origines de l’enfant. Le sujet n’est pas tabou, l’abandon a toujours existé. Il faut dire qu’il existe des parents qui ne veulent pas être parents alors que – et ça tombe bien – d’autres veulent l’être et ne le peuvent pas. Pour raconter cette  naissance originelle, il faut avant tout avoir installé le récit autour de la naissance psychique. Ainsi, l’enfant sera suffisamment solide pour faire face à l’histoire de sa “première” naissance. »

Que dire quand cela s’est moins bien passé ?

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

L’accouchement a été compliqué
Un travail douloureux et interminable, une césarienne en catastrophe, la peur qui prend le pas sur tout le reste… L’accouchement n’a pas toujours la couleur rose bonbon qu’on aimerait qu’il ait… Pour Myriam Ott, “les choses peuvent être dites à partir du moment où nous avons nous-mêmes fait le deuil de la naissance idéale”. Mieux vaut donc avoir digéré l’épisode, se faire aider si on sent que le traumatisme est toujours vivace. Puis insister sur les dimensions positives. Brigitte Borsoni propose d’évoquer la présence de personnes secourables (le personnel médical, le père…), au cours de cet épisode compliqué : “Savoir qu’on peut s’appuyer sur d’autres dans les moments plus difficiles de la vie, c’est important.”

Il est arrivé trop tôt…
Un bébé prématuré, c’est aussi un bouleversement. Pour Brigitte Borsoni, “il ne faut pas raconter l’angoisse. Mais on peut dire la séparation, les allers-retours à la clinique. Dire qu’il y a eu des difficultés pour le bébé comme pour les parents, mais qu’on a fait avec”. Et pourquoi ne pas lire le joli Il n’est jamais trop tôt pour dire je t’aime, d’Angela Portella (Larousse) qui traite ce sujet avec délicatesse ?

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

On a eu des difficultés à assumer notre rôle de parents
Pour certains parents, le coup de foudre avec l’enfant est immédiat. Pour d’autres, la rencontre prend plus de temps. Pour certaines mères (de 10 à 20 % environ), une dépression post-partum peut survenir. D’où un sentiment de culpabilité quand il s’agit de raconter la naissance et les premiers mois, moins idylliques qu’on ne l’aurait voulu. Pour Brigitte Borsoni, “l’enfant doit être sécurisé, il est donc essentiel de rappeler que ce n’est ni de sa faute, ni de celle de ses parents”. Pour Myriam Ott, on peut s’appuyer sur la notion d’apprivoisement : “Au début, cela n’a pas été très facile. Un bébé, ça pleure beaucoup et on ne savait pas toujours bien te comprendre. Alors on a cherché ensemble. Et petit à petit, on a appris à se connaître.” Et la psychologue de conclure : “Il faut aussi rappeler que la vie ne s’arrête pas à cet épisode.”

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Un décès est survenu en même temps que la naissance
Il arrive que la vie et la mort se télescopent au-dessus du berceau. Le décès d’un grand-parent survient dans les semaines entourant la naissance. Dès lors, comment raconter une naissance où la joie et la tristesse ont cohabité ? “Les sentiments ne font pas peur à l’enfant, estime Myriam Ott. C’est l’angoisse qui l’effraie. On peut donc expliquer à un petit que, parfois, des sentiments contradictoires surviennent.” Mais il convient de conserver au petit sa place d’enfant. Lui dire : “Je vais bien grâce à toi” ou “Tu as été la seule chose qui m’a fait tenir à ce moment-là” met un poids colossal sur ses épaules. “Mais s’il nous a aidés à nous tourner vers la vie, on peut l’exprimer, estime Brigitte Borsoni. Il faut surtout insister sur le fait que, si nous avons été tristes, ce n’était pas à cause de lui. Et revisiter les beaux moments de cette rencontre parents-enfant.” 

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d’Api n° 640, juin 2019. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Kei Lam.
Couverture du magazine Pomme d'Api n°640, juin 2019, et son supplément pour les parents.
 
“Quand les parents se séparent”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Séparation : comment protéger son enfant ?

Les chiffres sont sans appel : un couple sur trois se sépare, et la moitié de ces couples ont au moins un enfant à charge. Chaque année, près de 200 000 enfants sont confrontés à la séparation de leurs parents. Mais cette fréquence ne doit pas faire oublier que, pour un enfant, la séparation de ses parents est un bouleversement complet.

“Pourquoi je suis là ?”

La séparation des parents ? C’est un “tsunami”, un “monde qui s’écroule”… Pour nous faire comprendre ce qui se passe dans le corps et le cœur d’un enfant lorsque ses parents annoncent leur séparation, les professionnels n’y vont pas par quatre chemins. Timidement, comme pour nous convaincre que c’est moins terrible qu’ils ne le disent, on insiste encore : “Même si ses parents se disputaient souvent ?”, “Même si ça se passe sans heurts ?”. Oui. Même si.“Quand les parents se séparent”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Autant ne pas se voiler la face : quand ses parents se séparent, quelle que soit la situation et même si la vie à la maison était un enfer, l’enfant vit quelque chose de très difficile. Pourquoi ? Parce que l’enfant n’est plus à même, soudainement, de répondre à la question “Pourquoi je suis là ?”, explique Véronique Herlant, psychologue à Lyon. La rencontre –  quelles qu’en soient les conditions – entre ses parents, dont il est le fruit, et qui justifie sa présence, a perdu son sens. Pour retrouver sa place, pour reprendre pied, “il va falloir que l’enfant remaille ce trou qui s’est ouvert, remette du sens.” Et ça, ça prend du temps.

“Est-ce que c’est pour toujours ?”

La profondeur de la blessure est telle que l’enfant tente de la colmater en nourrissant l’espoir que ses parents se remettent ensemble. Même un enfant qui affirme : “J’ai bien compris que c’est pour toujours” cultive cette croyance. Certains adultes témoignent d’ailleurs à quel point ils ont vécu longtemps avec cette idée.

De même, l’enfant a inévitablement la conviction que tout cela, c’est de sa faute. “L’enfant a besoin de se sentir coupable, expliquent les auteures de Une semaine chez Papa, une semaine chez Maman, Claire Wiewauters et Monique Van Eyken. Il est confronté à une décision à laquelle il ne peut rien changer et dans laquelle sa voix ne compte pas.” Se dire que c’est de sa faute, complète Véronique Herlant, c’est “reprendre prise, être acteur de ce qui arrive, reprendre place dans la scène qui se joue. Cela vaut mieux que de se sentir écarté”.

Il incombe aux parents de dire que leur décision est “une affaire de grands”. Sans craindre de se répéter, comme le souligne Raphaël, un papa séparé : “Il a fallu répéter à notre fille les éléments sécurisants, lui redire l’amour que l’on a pour elle, et qu’elle ne perdra ni l’un ni l’autre de ses parents.” Il est important de bien distinguer la relation parent-enfant de celle qui unissait les deux adultes.

L’entourage proche, les grands-parents peuvent aussi jouer un rôle important, pour que l’enfant ne se sente pas seul face à l’énigme de la séparation de ses parents. Si le cadre familial se trouve bouleversé, la maison des grands-parents peut offrir un havre de paix à l’enfant, dans la mesure où ceux-ci s’abstiennent de prendre part au conflit.

“Quand les parents se séparent”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Être attentif aux réactions de son enfant

Ce qu’éprouve l’enfant ne se voit pas toujours. Si certains enfants réagissent très fort à l’annonce de la séparation de leurs parents (physiquement et verbalement), d’autres ne manifestent pas leur réaction de façon explicite. “Elle n’a pas réagi, relatent les parents, interloqués. On s’est même demandé si elle avait entendu.” C’est “comme si de rien n’était”… du moins en surface. Mais le corps a d’autres langages.

Véronique Herlant reçoit souvent des enfants en consultation pour “des symptômes” : cauchemars fréquents, retour du pipi au lit, difficulté de se séparer au moment d’entrer dans la classe ou d’aller chez la nounou… Ces troubles peuvent être des échos de la relation entre les parents. L’enfant peut également réagir avec un décalage dans le temps. Coralie en témoigne : deux ans après la séparation de ses parents, sa fille s’est mise à faire des reproches très durs à sa mère.

“Quand les parents se séparent”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Un enfant a déjà vécu des séparations

“J’ai halluciné sur la capacité d’adaptation de ma fille ! Je l’ai trouvée super forte dans cette épreuve”, confie Raphaël, admiratif, sans pour autant s’aveugler sur les “moments de chagrin intense qu’elle traverse”.

Dans sa vie, un enfant a déjà vécu des séparations. En tout premier, sa naissance, qui l’a arraché au cocon douillet du sein maternel, puis les premières séparations de la vie quotidienne : aller chez la nounou, à l’école, partir chez les grands-parents… L’enfant sait quelque chose de la douleur, du refus de se séparer. “Tout ce matériau va lui être utile, explique Véronique Herlant, en venant résonner avec ce qu’il a à vivre. On aimerait tous de l’harmonie, mais on fait l’expérience que la réalité est faite d’inadéquation, et qu’il faut en permanence s’adapter. L’enfant est dans ce travail depuis sa naissance.”

“Quand les parents se séparent”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Se comporter en adulte

Bien sûr, une séparation conflictuelle est plus difficile à vivre qu’une séparation où chaque parent maintient un lien constructif avec l’autre. Pour s’y efforcer, Claire Wiewauters et Monique Van Eyken suggèrent aux parents d’adopter la perspective de l’enfant, pour essayer de voir la situation “à travers ses yeux”.

Parmi les parents qui ont témoigné de leurs séparations, deux sont professionnellement confrontés à des déchirements conjugaux. L’un travaille dans la police, l’autre intervient auprès de familles, à la demande du juge aux affaires familiales. Et cela a joué dans leur façon d’aborder leur cas personnel : “Je suis flic, et je peux vous dire que j’en vois, des enfants qui morflent. Et dans tous les milieux. J’ai voulu éviter ça à ma fille à tout prix.” Comment ? En se comportant en adulte.

“Se comporter en adulte, détaille Véronique Herlant, c’est par exemple prendre assez de hauteur pour ne pas interpréter comme un rejet de sa personne les manifestations de colère, de tristesse, de dépression ou de rejet que peut éprouver l’enfant.” Ainsi, face à un enfant qui déclare : “Je ne veux plus te voir”, c’est à l’adulte de ne pas répondre sur le même niveau, en évitant de répliquer, en colère : “Moi non plus, je ne veux plus te voir” ou “Tu vas voir, je vais t’y obliger.” Autre cas classique : l’enfant, qui a bien identifié les idéaux éducatifs de l’un et de l’autre, souligne volontiers : “Chez Papa, on mange tout le temps des pizzas” ou “Chez Maman, je peux regarder la télé comme je veux”. Mieux vaut ne pas s’engouffrer dans des reproches indignés mais couper court en disant plutôt, comme Raphaël : “Ah, ben c’est cool, la semaine prochaine, tu pourras le faire alors !” Et expliquer sans craindre de se répéter qu’il y a des règles différentes chez Papa et Maman.

Finalement, tout cela participe d’une même attitude, que résume bien Chloé, qui a su conserver une bonne relation avec son ex : “Je me dis : on s’est trouvé de l’intérêt au point d’avoir un enfant ensemble. Il faut garder ça en mémoire.” Et ainsi, respecter et faire confiance à son ex-partenaire. “Même si c’est difficile, même si tout se mélange dans notre tête, conseille Pauline, il faut se forcer à distinguer l’ex-amoureux et le parent de notre enfant.” Cette épreuve peut aussi être l’occasion de démarrer ou d’approfondir un travail sur soi qui nous aidera, nous et nos enfants.

“Quand les parents se séparent”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Témoignages de parents

Clémence
“Je me suis séparée du papa de mon fils lorsque ce dernier avait 3 ans. Aujourd’hui, il en a 7. Nous le lui avons annoncé ensemble, nous avions beaucoup réfléchi et notre souhait principal, c’était de le déculpabiliser. Je ne sais pas ce qu’il a compris de cette conversation. Il n’a pas pleuré, ni montré d’émotion particulière. Nous sommes tous deux enfants de parents divorcés, et ça nous a donné une sensibilité particulière à ce qu’il pouvait ressentir et aux questions qu’il pouvait se poser. De manière générale, nous avons une bonne relation parentale. D’ailleurs, il nous arrive parfois de déjeuner tous les trois.”

Coralie
“Ma fille avait 2 ans lorsque nous nous sommes séparés. Elle avait eu le temps de ressentir la mésentente entre nous. À l’époque, elle n’a pas eu de réaction particulière. Aujourd’hui, elle a 5 ans, et elle me renvoie que je suis la méchante, que son papa est triste à cause de moi, que j’ai cassé sa famille. C’est dur. Son père a beaucoup de mal à accepter cette séparation. La communication entre nous est très conflictuelle. Nous n’avons pas du tout les mêmes exigences sur le cadre, les horaires : l’écart est grand et c’est difficile pour elle. Le jour de la transition, en particulier…”

Pauline
“Mon fils avait 15 mois quand nous nous sommes séparés. À chaque étape, on lui a expliqué ce qui se passait, mais ce n’était pas un échange : il était encore trop jeune pour cela. Aujourd’hui, il a 3 ans, et il pose beaucoup de questions : pourquoi Papa et Maman n’habitent pas ensemble ? Pourquoi Papa n’est pas l’amoureux de Maman ? Nos réponses ne doivent pas lui suffire, car il continue de poser ces questions. Par exemple, quand je lui dis qu’on se disputait trop, il me dit : “Faut pas se disputer.” Entre son papa et moi, ça se passe très bien : on a réussi à faire la différence entre l’ex et le parent, et ça, c’est le principal.”

Raphaël
“Nous nous sommes séparés il y a un an, quand notre fille avait 4 ans. Ça aurait pu être conflictuel, mais la présence de l’enfant nous a obligés à prendre sur nous et à maintenir un discours d’une seule et même voix. En terme de maturité, c’est très fort. J’éprouvais une grande colère, mais j’ai tout de suite identifié son pouvoir de nuisance, et je l’ai mise de côté pour qu’elle n’impacte pas ma relation avec mon enfant. Ça n’est pas simple : il faut gérer le chagrin d’amour, le chagrin d’une certaine représentation de la vie de famille, et renouveler sa relation avec son enfant.”

 

Des livres pour aller plus loin

“Quand les parents se séparent”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Avec les enfants

Sur mon fil, de Séverine Vidal et Louis Thomas, Milan, 13,90 €.

La grande aventure du Petit Tout, d’Agnès de Lestrade et Tiziana Romanin, Sarbacane, 15,50 €.

Mon papa et ma maman se séparent, de Sophie Furlaud et Laurent Simon, Casterman, 10,90 €.

Pour les adultes

Une semaine chez Papa, une semaine chez Maman, Comment aider votre enfant, de Claire Wiewauters et Monique Van Eyken, De Boeck, 19,95 €.

“Quand les parents se séparent”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître. Chiffres : (source INSEE, 2015)

Couverture du magazine Pomme d'Api n°639, mai 2019, et son supplément pour les parents.

 

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

À l’école de la nature

À l’École de la Forêt de Chantemerle (Charente), les enfants passent leurs journées dehors à escalader, bricoler ou “travailler” en forêt. Poussée par la curiosité, la journaliste de Pomme d’Api a passé une journée dans cette maternelle unique en France.

“Moi, je connais tout ! Je vais te montrer le chemin où il y a des noix, le potager, la prairie, la forêt !” Nathaël est tout excité : aujourd’hui, une journaliste vient visiter son école. Quel événement ! Il y a fort à parier que je ne serai pas la dernière, car l’école de Nathaël est unique en son genre en France. C’est une maternelle en forêt, dont les élèves passent la journée entière… dehors, par tous les temps. “Quoi ? Toute la journée dehors ?” C’est précisément l’étonnement opposé – “Quoi ? Toute la journée dedans ?” – qui a suscité la création de cette structure. Suivant l’exemple des pays du nord de l’Europe, où les jardins d’enfants et les écoles maternelles en forêt sont répandus (l’Allemagne en compte plus de 2000), de plus en plus d’éducateurs sont convaincus que la nature est l’outil pédagogique le plus adapté au jeune enfant. Y être immergé quotidiennement, quel que soit le temps, et y être libre de ses activités, permettrait l’acquisition d’une multitude de compétences (agilité, créativité, entraide, confiance en soi…) et rendrait les enfants d’emblée sensibles à la question environnementale

Un modèle unique en France

En France, les projets sont nombreux, mais seule l’École de la Forêt de Chantemerle, située à une quinzaine de kilomètres d’Angoulême, sur la commune de Marsac, a ouvert ses portes. Portes… façon de parler, car si l’établissement dispose bien d’un local pour le rassemblement du matin et la sieste des petits, les enfants évoluent essentiellement au grand air, dans un vaste domaine de 30 hectares.

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Ce matin-là, le ciel charentais est bleu, mais les sous-bois sont bien humides. La petite troupe s’équipe : chaussures de marche ou bottes, sursalopettes en plastique, sacs à dos. Les enfants sont âgés de 2 ans à 5 ans et demi, et – exception faite d’un lacet à nouer par-ci par-là – tous sont bien autonomes et partent vaillamment avec leur repas sur le dos. La mascotte de l’école, une jeune chienne sautillante, leur tourne autour. Nancy et Sophie, les deux “maîtresses”, aspergent d’anti-tiques les bas des jambes et les cheveux. La première est éducatrice de jeunes enfants, et la seconde, psychologue. Épaulées par un groupe de parents engagés dans le projet, elles sont parvenues à faire tomber les barrières administratives pour ouvrir cette maternelle alternative.
Nous partons enfin pour la forêt. Très vite, les bâtons ramassés sur le sentier se transforment en pelles, en épées, en chevaux…, au gré des imaginations. “Les premières semaines, les enfants s’éparpillaient en tous sens et nous passions nos journées à les compter”, se souvient Nancy. Depuis, les consignes de sécurité sont bien intégrées (on ne perd jamais le groupe de vue), et la crainte de perdre l’un d’entre eux a disparu. 

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Une liberté encadrée

“Mais ce n’est pas parce qu’on est dehors que c’est une grande récré !” souligne Sophie. Activités libres et activités encadrées alternent. Nous grimpons dans la forêt jusqu’à un endroit où sont disposées deux tables de bois taille enfant, une cahute qui abrite des toilettes sèches, un petit évier alimenté par un jerricane pour se laver les mains. Une grande bâche est tendue entre les arbres, en cas de pluie. C’est une des “salles de classe” aménagées dans le domaine. Elle sert aussi de “réfectoire” : c’est là que chacun déjeune de son repas tiré du sac. Conscientes que les enfants devront un jour s’adapter au système scolaire normal, les deux encadrantes s’efforcent aussi de suivre le programme officiel de la maternelle. Selon l’âge de chacun, elles ont préparé des fiches tout à fait classiques : jours de la semaine pour les uns, lignes verticales pour les autres… Les enfants sont ravis de sortir leurs trousses, et s’appliquent.

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Mais quand on les questionne sur leur école, ils racontent surtout ce qui fait sa spécificité : “On a nourri les arbres avec du crottin pour avoir des fruits. Le crottin, c’est du caca de cheval”, m’explique Éloys. “On a joué à la marchande”, raconte Romane. “J’aime chercher les œufs des poules”, confie Louna. “Au début, se souvient Sophie, certains enfants étaient craintifs avec les animaux et d’autres trop hardis.” Sophie et Nancy ont travaillé avec eux sur les émotions pour les aider à mieux exprimer leurs appréhensions, leurs besoins… Depuis la rentrée, elles les trouvent plus endurants, plus débrouillards, plus attentifs aux autres et à ce qui les entoure. Le jour du reportage, les plus grands n’auront passé que 45 minutes à l’intérieur. Les plus jeunes n’ont pas rechigné à s’allonger pour la sieste dans la salle, obscurcie par des rideaux. Après une demi-journée au grand air, j’aurais bien fait comme eux !

L’École de la Forêt de Chantemerle est une école privée hors contrat, sous statut associatif (Chemin de Chantemerle, 16570 Marsac).

La nature en pages : 2 albums et 2 guides

Petits riens, grande nature, Géraldine Collet, Kerascoët, Albin Michel Jeunesse, 11,90 €.
Petit escargot, grand ami ; gros pissenlit, petite magie… Une très jolie évocation du regard de l’enfance sur les merveilles de la nature.

Parler avec les arbres, Sara Donati, Le Rouergue, 15,90 €.
“J’ai d’abord pensé qu’il fallait le saluer, alors j’ai dit : “Salut !” Entre le narrateur et l’arbre, une relation se tisse. Un album original, qui nous fera désormais regarder les arbres comme des personnes.

Cherchez la petite bête, Alain Boudet, Solenn Larnicol, Rue du Monde, 16 €.
Tout savoir sur 40 petites bêtes que l’on rencontre sur nos chemins. Taille, habitat, particularités et… un poème ! De magnifiques aquarelles pour ce guide naturaliste poétique.

Mon cahier des 4 saisons, François Lasserre, Isabelle Simler, Nathan, collection Colibris, 11,90 €.
Classés par saison, les oiseaux, les insectes, les mammifères et les plantes que l’on peut facilement observer dans la nature. En bonus : 80 petites cartes à détacher et à emporter sur le terrain.

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Petites activités au grand air

Emmenons nos enfants dans la nature et laissons-les ramasser, cueillir, arracher, montrer, toucher, grimper… en nous retenant de leur dire à tout bout de champ : “Attention, tu vas te faire mal !” ou “Touche pas, c’est sale !” Voici quelques idées à piocher pour transformer vos balades au grand air en épopées extraordinaires.

Petits conseils Pour ouvrir les yeux de vos enfants (et les vôtres !)

Partez avec une loupe, le nez au sol. Elle pourra raviver l’intérêt de votre progéniture, si celui-ci faiblit. Grâce à elle, une plaque de mousse, un vieux tronc d’arbre, une flaque d’eau… révéleront les secrets d’une vie invisible à l’œil nu.
Maintenant, levez la tête, et repérez les arbres “amoureux” : ceux qui s’entrelacent, s’enroulent, s’éloignent puis se rejoignent, ne font qu’un. Ils sont plus nombreux qu’on le croit !
L’escargot plaît aux petits. Attirez leur attention sur les spirales qui se dessinent sur les coquilles : elles sont toutes différentes ! Parfois, la coquille présente une boursouflure, une rugosité particulière : c’est une cicatrice. L’escargot est capable de faire lui-même de petites réparations sur sa coquille !

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Explorer la forêt avec tous ses sens

Le foulard est un bon accessoire. Bandez les yeux de votre enfant et portez son attention sur les odeurs. Faites-lui sentir différentes choses : une motte de terre, une poignée de feuilles décomposées, une écorce… et faites-le deviner de quoi il s’agit.

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Yeux bandés toujours, sollicitez le toucher en faisant caresser différents troncs d’arbre à votre enfant. Certains sont très lisses, d’autres ont une grosse écorce en relief, etc. À lui de retrouver ensuite chaque arbre, les yeux ouverts !

Focalisez-vous ensemble sur les bruits. L’oiseau, le vent, les pas… Au bout d’une minute, proposez-lui de se boucher les oreilles avec ses mains. Le silence… On “voit” ainsi moins bien la nature autour de soi. Rien de tel pour prendre conscience de l’importance de l’ouïe dans la perception de notre environnement !

Découvrir La vie secrète de la forêt

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Ce n’est pas un hasard si la forêt est le décor de tant de contes merveilleux : elle est propice à l’imaginaire ! Ensemble, regardez autour de vous. Si vous étiez un petit lutin, quel recoin auriez-vous choisi pour maison ? Et si vous l’aménagiez, à mi-chemin entre cabane miniature et land art ? Des petites branches, de la mousse, des fleurs, des feuilles…, jamais le lutin n’aura eu un si beau refuge !

Vous retrouverez ces idées et bien d’autres dans le livre Tous dehors ! en forêt de Patrick Luneau, Salamandre, 2018, 19 €.

“À l’école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.
Couverture du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019, et son supplément pour les parents.

 

Le gâteau de SamSam

Le gâteau de SamSam

Le SamGâteau pour tous les petits héros qui sont aussi des petits gourmands. Une recette simple à réaliser avec votre enfant. Téléchargez les éléments pour décorer votre gâteau.

Le gâteau de SamSamLe SamGâteau est un délicieux gâteau à la pomme paru dans le magazine Pomme d’Api. Découvrez la recette, très simple à réaliser avec votre enfant et tellement amusant avec son décor SamSam. Refaites-le à volonté en téléchargeant ci-dessous les éléments du décor :

Bon appétit !
Le gâteau de SamSam

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Sexualité : comment répondre aux questions des enfants ?

À l’âge de la maternelle, les questions, les “gros mots”, les gestes ou les regards, certains jeux… traduisent la curiosité sexuelle des enfants. À laquelle il est nécessaire que les adultes répondent, sans en faire trop, ni pas assez. Les conseils du magazine Pomme d’Api

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“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Lire avec son enfant, pourquoi c’est important ?

Aucun doute : lire des histoires à son enfant, c’est indispensable pour son développement ! Mais savez-vous ce que crée cette lecture partagée ? Pomme d’Api vous propose de découvrir les bienfaits de ce moment complice et ô combien précieux de la relation parent-enfant.

Se rapprocher autour d’une histoire

Leurs petites têtes reposent chacune sur une épaule de leur papa. La gauche pour Antonin (4 ans), la droite pour Jules (3 ans). Chaque soir, installés sur le lit parental, ils viennent se pelotonner contre leur père – dont le téléphone portable est resté dans le salon – pour profiter de l’histoire du soir.

Formatrice en littérature jeunesse, auteure de Ces livres qui nous font grandir (Didier Jeunesse), Joëlle Turin est formelle : “Rien ne rapproche autant un parent de son enfant que la lecture d’une histoire.” Le temps du livre, c’est un “cercle magique”, affirme-t-elle, qui englobe enfant et parent.

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Psychologue, psychanalyste et formatrice ACCES (Actions Culturelles contre les Exclusions et les Ségrégations), Nathalie Virnot confirme : “La lecture constitue un temps suspendu, une parenthèse dans laquelle on fait une place toute particulière à l’enfant. C’est un temps où on reconnaît ses choix : il choisit l’histoire, décide de revenir en arrière, de s’arrêter sur une image…” Mots, expressions, mouvements : via la lecture, le parent saisit de nouvelles facettes de son petit. Il en est de même pour l’enfant qui découvre son parent-lecteur “animé par de nouvelles émotions, de nouveaux sentiments”, analyse Nathalie Virnot.

Lire ensemble, c’est aussi se créer une culture familiale commune et vivre des expériences qui, selon les mots du psychanalyste Evelio Cabrejo Parra, « resteront gravées jusqu’à la fin de ses jours dans son “livre psychique” ».

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

S’identifier, se projeter dans des personnages attachants

Camille (3 ans) adore les histoires de Lionel le lion. Marceau (5 ans), son grand frère, raffole des histoires de Petit Poilu. “Pour un enfant, par rapport aux personnages, il y a deux modes d’approche, résume Joëlle Turin : l’identification (l’enfant va aller vers celui qui lui ressemble) et la projection (l’enfant va aller vers celui qu’il voudrait être).”

Mais comment expliquer l’attrait des petits pour des personnages d’animaux ? Joëlle Turin rappelle que, dans la vie, spontanément, l’enfant a tendance à aller vers les bêtes. Elle nous invite à regarder le personnage de Babar : “Il se déplace un peu comme un bébé avec ses couches. D’ailleurs, la plupart des personnages animaux sont des bébés. Il existe donc une proximité morphologique, mais aussi une proximité dans la découverte du monde.” Le recours à l’animal permet également à l’enfant de s’identifier, tout en conservant une certaine distance. “L’animal est comme un masque derrière lequel l’enfant peut choisir de se voir… ou non”, poursuit Joëlle Turin.“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Quant aux histoires qui seraient “pour filles” ou “pour garçons”, Nathalie Virnot balaie le débat d’un revers de main. Un enfant peut s’identifier à un personnage quel que soit son sexe : “Considérer qu’il existe des livres pour filles ou pour garçons, c’est fermer tout un pan d’imaginaire au petit. Un enfant a le droit et a besoin de rêver à ce qui n’est pas sa réalité  !”

Décrypter les images avant de savoir lire

“Attends ! Va pas trop vite, j’ai pas eu le temps de regarder les images !” Quel parent n’a pas entendu cette supplique alors qu’il s’apprêtait à tourner la page d’un livre ? Et pour cause : chez les 0-6 ans, avant l’apprentissage de la lecture, l’illustration permet l’accès direct à l’histoire. D’autant que, comme le note Joëlle Turin, “l’illustration est un langage en soi. Il existe un jeu entre le texte et l’image. L’un ne dit pas la même chose que l’autre.” D’ailleurs, souligne Nathalie Virnot, “le petit apprend à décrypter le monde par des détails : la couleur du ciel, le visage de ses parents…” Le regard se globalise seulement un peu plus tard.

Avec les illustrations, l’enfant peut même prendre l’adulte par la main et se sentir valorisé ; certes, il ne sait pas lire, mais il voit tous ces petits détails qui fourmillent au gré des pages et échappent à notre regard de “grand”. “Je suis toujours émerveillée par la capacité d’anticipation des enfants, rapporte la psychologue. Même s’ils n’ont jamais lu le livre auparavant, ils sont capables, grâce à ces indices visuels, de vous dire ce qui va se passer à la page suivante.” De quoi être sacrément fier de soi ! Et puis, en navigant d’un style graphique à l’autre, en identifiant “la patte” de l’illustrateur, c’est aussi leur goût artistique qui s’affine.

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Lire… et jouer !

Partager une histoire est un jeu comme un autre ! “On découvre les capacités de l’enfant, ce qui l’anime. La lecture est un moment de jubilation et de joie !”, affirme Nathalie Virnot. D’ailleurs, si on y réfléchit bien, le livre repose sur le même fonctionnement qu’un jeu : “La première chose que nous propose une histoire, c’est d’en deviner la suite, rappelle Joëlle Turin. Anticiper, imaginer, c’est finalement jouer aux devinettes !”

Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux livres jeunesse mettent en scène des jeux pratiqués par les enfants eux-mêmes : le cache-cache, le loup, le “faire semblant”… Joëlle Turin poursuit : “D’autres reposent sur le jeu d’empilement, la notion de liste ou bien, dans la forme, empruntent le rythme de la comptine.” Bref, aucune raison d’enfermer la lecture dans le registre des “activités sérieuses”, au contraire : “Les enfants rentrent beaucoup plus facilement dans les formes ludiques. La meilleure façon d’apprendre, c’est de jouer.”

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Explorer le monde et construire ses défenses

Plonger dans un livre, pour un enfant, c’est explorer le monde tout en se sentant sécurisé. D’abord par la présence du parent : “Cette proximité physique le contient”, analyse Nathalie Virnot. Le tout-petit se sent également “contenu” par la structure même de l’ouvrage : “On ouvre, l’histoire est dedans. On ferme, l’histoire reste dedans”, résume la psychologue.

Joëlle Turin voit aussi dans la lecture un bon moyen de construire ses défenses : “À travers l’imaginaire du livre, le petit vit des choses. Les émotions sont aussi fortes que dans la vie, mais il n’y a pas de traumatismes. L’imaginaire recoupe des expériences de la réalité, comme la séparation ou l’absence, mais d’une autre façon.” À l’adulte de capter les expressions, les mots de l’enfant pour poursuivre le dialogue autour de l’histoire.

Et puis s’immerger dans une histoire, c’est aussi découvrir de nouvelles manières de penser, de nouvelles façons de vivre qui sont autant de possibilités, pour lui, d’élargir son horizon. Quel plus beau passeport pour faire ses premiers pas dans la vie ?

“Lire avec son enfant, pourquoi c’est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°647, janvier 2020