“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

3 cabanes à construire en famille

Refuge, cachette, repaire, cocon pour rêver… nos cabanes se construisent en famille, avec l’aide des enfants, dans le jardin ou la maison. Laissez-vous guider, tout est expliqué dans notre supplément pour les parents, à télécharger et à partager ! Bel été à tous !

Ma tente au fond du jardin

Matériel
• un grand drap, une grande nappe ou une couverture
• de la ficelle
• des pinces à linge
• quelques gros cailloux
• et deux arbres !

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

Réalisation : 20 minutes
1) Tendre la ficelle entre deux arbres à environ 1,20 m du sol.
2) Plier le drap en deux et l’étendre sur la ficelle. Le maintenir en place avec les pinces à linge.
3) Maintenir au sol les deux pans de drap écartés à l’aide de quelques gros cailloux.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
Aller chercher les gros cailloux.
Aider à tendre la ficelle entre les arbres.
Mettre les pinces à linge.

Ma cachette sous la table

Matériel
• une table rectangulaire
• une nappe en papier
• des crayons ou des feutres à large mine
• des ciseaux
• du Scotch

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

Réalisation : 2 heures
1) Recouvrir la table avec la nappe dans le sens de la largeur. Si besoin, découper le papier qui traîne par terre.
2) Tracer un trait sur la nappe le long des 2 grands bords de la table. Marquer ces 2 plis.
3) Retirer la nappe et l’étaler au sol pour dessiner. Tracer d’abord le contour de la porte. Découper verticalement au milieu (voir croquis à télécharger), puis horizontalement sur le haut (voir croquis à télécharger) : on obtient comme deux volets que l’on rabat et que l’on scotche à l’intérieur. Cela consolide le contour de la porte.
4) Dessiner le décor : fenêtres, volets, végétation, animaux…
5) Pour les 2 petits côtés de la table, découper des morceaux de nappe à la bonne taille. On peut y découper des fenêtres ou un hublot, avant de les scotcher de l’intérieur.
6) Il ne reste plus qu’à remettre la nappe sur la table, la scotcher le long des pieds, et se cacher dessous.
Astuce : pour une cabane plus solide et pérenne, on peut faire la même chose avec un vieux drap.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
Dessiner le décor.
Aider à découper et à scotcher les morceaux de nappe.

Ma hutte au fond des bois

Matériel
• une branche solide de 2 m de long au moins
• 2 branches de 1,70 m environ avec une fourche au bout
• des branches de tailles variées
• si possible, un gros caillou ou une souche
• une scie
• de la ficelle
• des ciseaux

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

Réalisation : 1/2 journée dehors
1) Ramasser des branches de tailles variées.
2) Soigner particulièrement le choix de la faîtière (la branche principale) : solide, pas trop lourde, pour ne pas assommer les enfants en cas de chute.
3) Caler si possible une extrémité de la faîtière sur un gros caillou ou une souche afin de surélever un peu le toit.
4) Maintenir l’autre extrémité en hauteur à l’aide des deux branches pourvues de fourches, bien écartées, bien enfoncées dans le sol.
5) Consolider ce support avec de la ficelle. On peut ajouter une branche horizontalement, pour renforcer la “charpente”.
6) Recouvrir cette armature avec les branches classées par ordre de taille. On peut aussi finir par du feuillage, comme des fougères.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
Aller chercher toutes sortes de branches et de feuillages.
Creuser les petits trous où l’on piquera les fourches.
Recouvrir la hutte en disposant les branches par ordre de taille.

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

Éloge de la cabane

Passionnée par l’habitat minimaliste, Fiona Meadows enseigne à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Elle a contribué à l’exposition “Cabanes”, que l’on peut visiter jusqu’au 5 janvier 2020 à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris (+ d’infos dans le dossier à télécharger ci-dessous). Elle répond aux questions de Pomme d’Api.

Fiona Meadows - Photo : Édouard Richard/MAIF

La cabane fait-elle partie de vos souvenirs d’enfance ?
Fiona Meadows : “Oh oui ! Nous vivions dans un petit appartement. Mes premières cabanes, c’étaient la table de la cuisine recouverte d’un grand drap, le parapluie ouvert au-dessus du lit, les grands cartons d’emballage, renversés, découpés. Je me suis rendu compte plus tard que c’était architectural : une structure (la table, le lit…), une enveloppe (le drap, la couverture…). L’été, à la campagne, nous construisions des cabanes dans les arbres. C’est plus difficile, il faut savoir faire des nœuds, couper du bois… On se faisait aider par mon père et mon oncle. Un plaisir rituel et partagé !”

Que cherche l’enfant, en construisant une cabane ?
F. M. : “Un petit coin à lui, un habitat à son échelle, éloigné du regard des parents, où il peut s’inventer des histoires. Il va se l’approprier, l’habiter avec ses doudous, ou bien seul, pour lire, jouer ou rêver ! Je pense que c’est instinctif, comme le chat qui va se nicher dans un recoin : il est important d’autoriser l’enfant à le faire, librement ! Le plaisir de la cabane réside à la fois dans le fait de la construire, de l’habiter, et de la déconstruire.”

Pour un architecte, la cabane, c’est quoi ?
F. M. : “C’est l’origine de l’architecture ! Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise cabane, tout est possible tant que l’enfant se l’approprie. Je rêve de travailler avec des industriels du jouet pour concevoir du matériel de construction de cabanes, peu cher et adapté aux petits appartements. Pour que chacun puisse s’imaginer sa cabane, modulable et magique !”

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°642, août 2019. Propos recueillis par Anne Bideault. Photo : Édouard Richard/MAIF.

Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°642, août 2019
“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

Peindre, un jeu d’enfant

L’enfant peint comme il joue. Avec bonheur et naturel. Nous nous sommes rendus dans un lieu où les enfants ne font que ça… Et le mot d’ordre, c’est “jouer” ! Reportage à l’atelier “L’où Jeu Peins”, près de Lyon.

À l’abri des regards et des commentaires

Sur une table roulante, godets, pinceaux et pots de couleurs sont alignés dans l’ordre des couleurs de l’arc-en-ciel, du blanc au noir en passant par le violet, le bleu, le vert, le jaune, l’orange et le rouge. Il y a un pinceau par godet, reconnaissable à la couleur de son manche. Les murs, recouverts de papier kraft du sol au plafond, sont constellés de traces de peinture. Nous sommes à l’atelier “L’où Jeu Peins”, dans la métropole de Lyon. Dans cette pièce ne pénètrent que les participants : enfants, adolescents et adultes… Les parents, les curieux, restent sur le seuil. Car il est primordial de faire l’expérience du “jeu de peindre” à l’abri des regards et des commentaires.

Vanessa Walter a fondé cet atelier et y anime ces séances d’expression libre depuis treize ans. Pour cela, elle s’est formée auprès du pédagogue Arno Stern, qui a initié cette approche dès 1946 et l’a depuis théorisée. Une façon pour Vanessa d’allier sa formation initiale en arts appliqués à son engagement dans des mouvements d’éducation populaire. Elle installe aussi son dispositif dans des crèches, des écoles, des relais d’assistantes maternelles…

Une grande feuille blanche…

Vanessa Walter récuse les termes “éveil artistique” : “Ce n’est pas de l’art que je propose, mais de l’expression. L’expression est à la portée de tous, quels que soient les compétences, le milieu social, l’âge, la langue…” Au début de l’atelier, chaque “joueur”, pour reprendre l’appellation qu’elle utilise, prend une grande feuille blanche et la fixe au mur avec des punaises. Les enfants les plus jeunes, âgés d’à peine 3 ans, disparaissent derrière les immenses feuilles de papier qu’ils doivent saisir les bras grands écartés !

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

Aujourd’hui, Léa est là pour la première fois. Toute menue dans un large tablier, elle se tient sans bouger, muette, au milieu de la salle. Ses yeux balayent l’espace, se posent sur la table-palette, puis sur les autres enfants qui jouent de leurs pinceaux sur leurs feuilles. Vanessa laisse s’écouler un peu de temps, avant de lui dire doucement : “Les feuilles sont là, si tu veux, tu peux en prendre une.” La petite fille reste immobile, jusqu’à ce que Vanessa lui propose son aide et la prenne par la main : “Je n’interviens que si je vois que l’enfant ne sait pas comment s’y prendre. Certains enfants préfèrent observer longuement. Notre société valorise l’action, mais pour les activités autour de la création – peinture, danse, musique… – il est précieux de les laisser prendre le temps.” Concentrée, Léa se met à tracer des courbes roses sur le blanc du papier. Elle ne changera de couleur que bien après.

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

Les petits sont absorbés par la manipulation du matériel : le pinceau à tremper dans le godet ou dans l’eau. Ils multiplient les allers-retours entre la feuille et la palette. À les observer, on se rend compte qu’il n’est pas si facile de retrouver la couleur correspondant à son pinceau. Pas plus que sa feuille ! Certains tracent allègrement sur celle de leur voisin. Vanessa les guide de sa voix douce : “Ta feuille à toi, elle est là. Tout doux avec le pinceau, comme une caresse !” Lorsqu’une goutte tombe sur le linoléum, les enfants vont spontanément chercher de quoi l’essuyer. Des gants de toilette humides sont à leur disposition. À côté de Léa, Samuel est en arrêt : les yeux écarquillés, il contemple sa main, devenue bleue.

Hanine a manipulé un pinceau noir avec énergie. Elle demande une autre feuille, et va déjà chercher des punaises pour la fixer. Sans un mot, Vanessa décroche la première œuvre d’Hanine et la suspend plus haut pour qu’elle sèche, aux côtés d’une bonne dizaine d’œuvres réalisées depuis le début de la séance.

“C’est le moment qui compte, pas le résultat”

Aucune feuille ne sortira du lieu, elles seront rangées dans de grands cartons à dessin. Les enfants ne rapportent rien dans les familles. Ni aujourd’hui, ni à la fin de l’année. La règle est la même pour les participants adultes.

Pourquoi ne pas montrer ce qu’on a fait ? “Je compare le jeu de peindre à celui de la dînette : c’est le moment qui compte, pas le résultat. J’explique aux enfants que je suis la gardienne des peintures. Je les conserve, je les protège, pour que personne ne puisse dire “C’est beau”, “C’est pas beau”, ou “C’est quoi ?”.

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

À bien y réfléchir, s’extraire ainsi de la pression du résultat est libérateur. On se recentre sur le vécu : “Je ne rapporte aux parents que ce que j’ai observé de l’attitude de l’enfant : son comportement, son bien-être, son sérieux… La trace ne dirait rien de tout ça.” De même, faire des commentaires, même admiratifs (“Waouh, c’est beau !”) habitue l’enfant à attendre un jugement de valeur sur ses réalisations. “Tous les enfants jouent à tracer pour eux-mêmes, mais quand ils se rendent compte que l’adulte porte un avis sur ce qu’ils font, ça stoppe leur créativité ! Il n’y a qu’à voir combien d’adultes sont bloqués !”

Quand elle sent qu’un enfant commence à décrocher, Vanessa l’oriente vers une table où sont disposées des petites mottes d’argile : “Le pinceau nécessite des gestes doux. Le malaxage de la terre, que l’on peut frapper, tordre… permet d’être dans un contact tactile souvent apaisant.” Après quelques minutes de modelage, Samuel choisit de retourner peindre. Dans la salle, l’atmosphère est calme. “Je suis à leur service, garante du cadre, gardienne de leurs créations, conclut Vanessa. Je ressens beaucoup leur plaisir, leur concentration, leur détente.”

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

Petits conseils pour peindre à la maison

Réduire le nombre de couleurs : trois suffisent !
Utiliser des pots peu profonds pour éviter qu’ils ne se renversent.
Disposer autant de pinceaux que de couleurs, avec un support pour chacun (une assiette).
Laisser à disposition une lavette humide pour que l’enfant soit autonome.
Fixer la feuille sur un support pour éviter qu’elle ne bouge. Si vous pouvez installer un chevalet ou utiliser un mur, faites-le : un support vertical permet des mouvements plus amples, plus libres.
S’y mettre aussi, pour soi, sans “faire à la place”, même si on vous le réclame !
Retenir ses commentaires et son analyse : une création n’a pas à représenter forcément quelque chose. Libre à l’enfant de vous expliquer ou non son dessin.
Privilégier la description : “Tu as utilisé du jaune, et tu es monté jusqu’en haut de la feuille. Là, je vois que c’est bien plus foncé qu’ici. Alors que sur tout ce côté, je vois que tu n’as pas mis de couleur.”

Pour aller plus loin : “Le Jeu de Peindre”

“Le but […] n’est pas de transmettre une technique artistique : ici, l’objectif est de libérer le geste créatif, la trace et la personne qui peint.” Toute la démarche d’Arno Stern expliquée dans cet ouvrage qui s’adresse aux parents, aux éducateurs et aux enseignants, et qui décrit comment par “le Jeu de Peindre”, tout être humain est capable d’exprimer ce qui ne pourrait être exprimé par aucun autre moyen. “Le Jeu de peindre”, Arno Stern, Actes Sud, 2011.

“Peindre, un jeu d’enfant”, Pomme d’Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.
Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°649, mars 2020
“La douceur fait grandir”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n° 636, février 2019. Texte : Isabelle Vial, illustrations : Kei Lam.

La douceur fait grandir

De récentes études scientifiques montrent qu’un climat éducatif doux et bienveillant favorise le bon développement émotionnel et cérébral des enfants. Comment, au quotidien, cultiver cette douceur ? Explications et conseils dans le supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api. (suite…)

Relations frères-soeurs : quand faut-il s’en mêler ? Illustrations : Peter Elliott

Relations frères-soeurs : quand faut-il s’en mêler ?

Vos enfants se disputent. Vaut-il mieux laisser faire les choses ou intervenir, et de quelle façon ? Les conseils du magazine Pomme d’Api pour comprendre ce qui se noue entre frères et sœurs et savoir comment réagir…

“Relations frères-sœurs : quand faut-il s'en mêler ?” Texte : Anne Bideault - Illustrations : Peter Elliott - Supplément pour les parents du n° 599 de Pomme d’Api, janvier 2016Comprendre les rivalités entre frères et sœurs

“Quand est-ce qu’on le ramène à l’hôpital ce petit frère ?”, “Quoi ? Elle va habiter avec nous maintenant ?”… C’est sûr, la naissance d’une fratrie est parfois soulignée par ses membres avec un sens de la formule qui laisse les parents sans voix. Avant que ne soient organisées des grandes parties de cache-cache, avant que la maison ne résonne de fous rires partagés, les sentiments qui se manifestent les premiers sont rarement les plus tendres.

“Relations frères-sœurs : quand faut-il s'en mêler ?” Texte : Anne Bideault - Illustrations : Peter Elliott - Supplément pour les parents du n° 599 de Pomme d’Api, janvier 2016Naturelles et inévitables, les rivalités entre frères et sœurs reflètent une crainte : celle de perdre l’affection de ses parents. Nos dénégations (“le cœur des parents s’agrandit à chaque naissance !”), nos efforts pour consacrer du temps à chacun, peuvent amoindrir mais n’effacent pas cette angoisse existentielle : l’autre enfant, qu’il soit plus grand ou plus petit que moi, que je joue avec lui ou non, que je le câline ou non, est une menace. D’où les soudaines tempêtes lorsque le petit frère est en train de téter dans les bras de Maman, d’où les disputes pour savoir qui sera assis à côté de Papa, d’où les récriminations sur le nombre de chips mangées par l’un ou l’autre au cours de l’apéritif… Mais on a beau savoir que c’est naturel, on se passerait volontiers de ces disputes

Ne pas forcer la bonne entente

La plupart des parents nourrissent le doux rêve de construire une famille où tout ne serait qu’harmonie, bonne entente, respect et tendresse. Normal : les tensions, même passagères, mettent nos nerfs à rude épreuve et nous coûtent bien plus d’énergie que les moments pacifiques et complices. Pourtant, vouloir à tous crins les faire disparaître serait une erreur.

“Relations frères-sœurs : quand faut-il s'en mêler ?” Texte : Anne Bideault - Illustrations : Peter Elliott - Supplément pour les parents du n° 599 de Pomme d’Api, janvier 2016Forcer la bonne entente, exiger l’affection, c’est empêcher les enfants d’exprimer les émotions qui les traversent. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer un petit bonhomme fraîchement devenu grand frère. La famille, les proches se pressent autour du berceau du nouveau-né, et il se trouve toujours un adulte pour poser la question : “Alors, tu es content d’avoir une petite sœur ?” En général, il n’obtient pour réponse que le silence. Voire une fuite dans une autre pièce, un dos qui se tourne. Quel déchirement doit se jouer à l’intérieur de cette petite personne, tiraillée entre le désir de contenter ses parents qui ont l’air si heureux, et celui d’exprimer ce qu’il a au fond du cœur !

Pour l’avoir testée, une autre phrase peut susciter un tout autre comportement : “Alors, c’est pas très facile, hein, d’avoir une petite sœur ? Elle t’énerve un peu, non ?” Le visage s’éclaire, le regard, interrogatif, esquisse un sourire, comme soulagé : quelqu’un me comprend, quelqu’un m’autorise à éprouver ce que j’éprouve. La pression tombe. On pourrait même poursuivre et ajouter : “Tu n’es pas obligé de l’aimer”, en se fiant à la prédiction de Françoise Dolto : “Libre de détester celui qui vient bouleverser son ordre, l’aîné en vient naturellement à faire comme ses parents, à l’aimer.”

Être ferme face aux débordements physiques et verbaux

Pour autant, cette autorisation à “ne pas aimer” ne doit en aucun cas être comprise comme la permission de laisser libre cours à ses pulsions agressives. Et c’est là que le rôle des parents demande doigté et fermeté. Ils ont à cadrer les débordements physiques et verbaux, et doivent intervenir dès lors qu’un de leurs enfants se soumet trop au pouvoir de l’autre.

L’aîné, bien sûr, a de l’ascendant sur les plus jeunes, ne serait-ce que parce qu’il a plus de force physique et joue de son aura de plus grand. Ainsi, Hélène se sent obligée de reprendre son fils aîné, élève de CP, qui donne des ordres à son petit frère, en admiration devant lui : “Va me chercher mon feutre rouge ! Ramasse ma feuille !” Les phrases comme : “T’es nul”, “T’es un minus !” doivent systématiquement être reprises. Mais les plus petits ne sont pas forcément les plus faibles, au contraire. Ainsi Sandra se désole-t-elle de voir son fils de 6 ans s’effacer devant sa petite sœur de 2 ans, qui “fait la loi” : “Lorsque je l’ai sur mes genoux, si sa sœur arrive, il lui cède tout de suite la place. J’ai du mal à lui faire comprendre que lui aussi, il a droit à des câlins, même si sa sœur n’est pas d’accord.” Au terme d’une grosse dispute, Marie a réuni ses quatre fils âgés de 10 mois à 8 ans : “Que vous le vouliez ou non, vous allez vivre ensemble pendant encore au moins dix ans. Autant que ça se passe au mieux, non ?”

Au contact de ses frères et sœurs, avec lesquels il apprend à partager son lieu de vie, l’attention de ses parents…, l’enfant acquiert bon gré mal gré un savoir-faire social qui lui sera utile : il fait avec l’existence de l’autre. Comme le souligne Nicole Prieur, dans son livre Grandir avec ses enfants (éd. L’Atelier des Parents, 2014) : “La fraternité, c’est quand la dignité de l’autre me concerne, quand je reconnais sa valeur.”

Peut-on être juste ?

Mais les parents, chefs d’orchestre de cette partition fraternelle, sont souvent taraudés par une question : “Comment faire pour être juste, équitable ?” En cela, les enfants sont prompts à les culpabiliser : “C’est pas juste ! Il a eu plus de sirop que moi ! Il a le droit de lire plus longtemps ! Elle ne met jamais la table !” À travers ces calculs, c’est toujours la lutte pour l’amour exclusif des parents qui se fait jour.

“Relations frères-sœurs : quand faut-il s'en mêler ?” Texte : Anne Bideault - Illustrations : Peter Elliott - Supplément pour les parents du n° 599 de Pomme d’Api, janvier 2016Les parents ont tout à gagner à ne pas entrer dans cette tenue de comptes, qui glisse si facilement vers la comparaison. Il faut au contraire marquer les différences en tenant compte des besoins de chacun : “Oui, ton petit frère ne met pas la table, mais à son âge, tu ne la mettais pas non plus. Maintenant, tu as grandi et je sais que je peux te faire confiance.” “Oui, ta grande sœur a le droit de lire dans son lit. C’est normal, elle a trois ans de plus que toi, et son corps a un peu moins besoin de sommeil.” Chaque situation, chaque rang de naissance a ses privilèges et ses inconvénients. Aux parents de les expliciter à chacun des enfants : les plus petits, voyant ce que peut faire l’aîné, y puiseront l’envie de grandir ; l’aîné, constatant ce dont bénéficie encore le plus jeune, prendra conscience du chemin qu’il a déjà parcouru, des difficultés qu’il a dépassées : “Moi aussi, je ne pouvais pas m’endormir sans mon doudou !”

Les liens fraternels se tricotent et mûrissent doucement. Mais quelle force dans la complicité qui en découle ! Quelle richesse dans tous ces moments partagés, quand bien même ils sont émaillés de disputes et de gros chagrins. À la naissance de la petite dernière, ma seconde fille paraissait toute tourmentée, alors que sa sœur aînée rayonnait de joie. Elle a fini par avouer, les larmes aux yeux, “qu’elle ne savait pas ce qu’il fallait faire, quand on était une grande sœur.” “Rien, lui ai-je dit. Rien. Juste être comme tu es, ce sera très bien.” Hochant la tête, elle m’avait alors raconté comment elle avait choisi “le doudou pour le bébé” dans le magasin : “Je l’ai pris, je l’ai essayé pour voir si on pouvait le frotter sur son œil. Ça marchait bien, alors j’ai dit à Papa qu’on pouvait l’acheter.” Voilà. Elle était devenue une grande sœur.

À lire avec les enfants

  • Un petit frère pour Nina, de Christine Naumann-Villemin et Marianne Barcilon, L’école des loisirs.
  • Une journée inoubliable, de Lola M. Schaefer et Jessica Meserve, Éditions Circonflexe.
  • Le mystérieux chevalier sans nom, de Cornelia Funke et Kerstin Meyer, Bayard Jeunesse.
    “Relations frères-sœurs : quand faut-il s'en mêler ?” Texte : Anne Bideault - Illustrations : Peter Elliott - Supplément pour les parents du n° 599 de Pomme d’Api, janvier 2016

Cet article est extrait du supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api du mois de janvier 2016.

“Relations frères-sœurs : quand faut-il s’en mêler ?” Texte : Anne Bideault – Illustrations : Peter Elliott – Supplément pour les parents du n° 599 de Pomme d’Api, janvier 2016
“La philosophie, un jeu d'enfant ?!”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n° 635, janvier 2019. Texte : Sophie Furlaud, illustrations : Pascal Lemaître.

La philosophie, un jeu d’enfant ? !

Complètement fou de faire de la philosophie avec des petits ? Pas pour Pomme d’Api ! À l’âge de la maternelle, ses jeunes lecteurs s’étonnent de tout, s’interrogent sur la vie, la mort, la justice et tant d’autres choses… Comment accompagner leur questionnement et leur donner des outils pour penser par eux-mêmes ?

(suite…)

Nos coups de cœur spécial Noël

Albums, contes de Noël pour enfants… les coups de cœur de Pomme d’Api

Des reprises de grands classiques ou des contes détournés, une appli, un livre à lire et à écouter, des BD pour les petits… : découvrez tous les coups de cœur de la rédaction de Pomme d’Api ! Ce rendez-vous parental qui accompagne le magazine de votre enfant, vous est proposé ce mois-ci en téléchargement.

Albums, collection, livre-CD, appli… : téléchargez les coups de cœur spécial Noël de Pomme d’Api de décembre

Sélection et textes : Anne Ricou et Sophie Furlaud.