© Illustration : Robin. “Jouer : plaisir ou corvée ?”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°678, août 2022.

Jouer avec son enfant : plaisir… ou corvée ?

Entre 3 et 7 ans, le développement de votre enfant passe avant tout par le jeu. Pomme d’Api vous donne des repères et des conseils pour choisir des jeux adaptés à son âge (libres, avec règles, pour le voyage…). Votre enfant pourra y jouer tout seul, ou en famille… avec ceux qui en ont envie. L’essentiel est de passer un bon moment ensemble !

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La rentrée en maternelle en 10 questions-réponses - Illustration Robin

La rentrée en maternelle en 10 questions-réponses

Début septembre, votre enfant entrera pour la première fois à l’école ! Pomme d’Api répond à vos questions les plus courantes sur le jour de la rentrée en maternelle dans son supplément pour les parents. Parole de maîtresse : “Si les parents sont tranquilles ce jour-là, les enfants le sont aussi !”

1. Comment bien préparer mon enfant à la rentrée ?

Pas la peine de parler de l’école trop longtemps à l’avance : l’attente risquerait de créer de l’appréhension. Encouragez votre enfant à s’habiller seul, à mettre ses chaussures… Éviter aussi de faire de l’école une menace. Lucie a ainsi repris la nounou de son fils, qui répétait des phrases du type : “À l’école, si tu te comportes ainsi, tu seras puni !”

De manière générale, autant faire attention aux mots que l’on utilise. Dire à un enfant qui rentre en petite section : “Tu es grand, tu vas aller à l’école”, c’est très troublant : à l’école, il sera parmi les petits, et ceux que l’on appelle ‘les grands’, ce sont les enfants de Grande Section. Mieux vaut donc dire : “Tu as bientôt trois ans, tu as l’âge de rentrer à la maternelle.”

2. Les adultes vont-ils être aussi attentifs qu’à la crèche ou chez la nounou ?

Avec une moyenne de plus de 25 enfants par classe, cela change de l’attention très maternelle dont bénéficiaient les tout-petits en crèche ou chez leur nounou. Les premiers jours, certains enfants sont déboussolés par cette foule bruyante et agitée. À nous de faire confiance à leur capacité d’adaptation !

Sur le plan pratique, les enfants apprennent à attendre et à se débrouiller seuls, car les adultes font moins les choses à leur place. Mais soyons rassurés : un vrai problème n’échappe pas à la vigilance des enseignants et des Atsem (Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles).

3. Le doudou de mon enfant peut-il rentrer dans la classe ?

Oui, bien sûr ! Et vous aussi ! La plupart des enseignants de maternelle ouvrent grand la porte de leur classe aux parents. N’hésitez pas à la franchir. Prenez le temps, allez de table en table avec lui, jouez, familiarisez-vous ensemble avec le lieu et les personnes qui l’animent.

4. Que faire si mon enfant se met à pleurer ?

Difficile de voir son enfant pleurer… mais lui dire : “Ne pleure pas, ça va bien se passer”, lui donnerait l’impression qu’il n’a pas le droit d’avoir peur. Autant écouter ses sanglots en lui disant : “Tu pleures, je comprends, c’est un grand changement aujourd’hui.”

Les pleurs des enfants passent très vite, remarque Laurence Fayolle, enseignante en Petite Section, et souvent les parents ont plus de mal à laisser leurs enfants que l’inverse. Pourtant, c’est bien à eux de nous le confier, et pas à nous d’aller le prendre dans leurs bras.” La différence est de taille. Si vous avez déjà la boule au ventre, tant pis, faites accompagner votre enfant par un autre adulte. Cela se passera mieux.

5. Comment faire au moment de quitter mon enfant ?

Autant l’avouer, on aurait envie de partir sur la pointe des pieds… Ce n’est pas un cadeau à faire aux enseignants ni aux enfants ! Quelle trahison ! Non, courage, prévenez : “Je fais encore un puzzle avec toi, puis je m’en vais.” Et le moment venu, dites clairement : “À tout à l’heure !” et rappelez qui vient chercher votre enfant, et à quelle heure (“après la cantine et la sieste”).

6. Que va-t-il se passer si mon enfant a un “petit accident” ?

Cela sonne comme un ultimatum : pour rentrer en maternelle, il faut “être propre”, c’est-à-dire ne plus porter de couches. Que va-t-il se passer s’il fait pipi dans sa culotte ?

Une crainte balayée dans un éclat de rire par Laurence Fayolle : “Les premiers mois, nous passons notre vie aux toilettes ! On y va 3 à 4 fois par matinée !” Peu à peu, les enfants apprennent à demander. Et puis, un “accident”, ça arrive, et ce n’est pas bien grave !

7. Va-t-il réussir à faire la sieste à l’école ?

Une chose est claire pour ceux qui font encore la sieste : à l’école, on dort moins qu’à la maison. Jusqu’aux vacances d’automne au moins, les petits sont souvent épuisés par l’école, avec ou sans nouveaux rythmes.

À la maison, les heures qui précèdent le coucher sont difficiles, tant les enfants déchargent les émotions et les tensions accumulées dans la journée. Les enseignants de maternelle le disent à mots couverts : en Petite Section, si vous pouvez vous permettre de ne pas le mettre certains après-midi, n’hésitez pas !

8. Et s’il ne se fait pas d’amis ?

Oh, cette vision à vous arracher des larmes ! Votre tout-petit, immobile dans un coin de la cour, pouce à la bouche et regard perdu, pendant que toute l’école s’égaye en jouant ! Certains sont très sociables, d’autres ont besoin d’observer longuement avant de se lancer. Jouer avec ses pairs nécessite un apprentissage. Les enfants les plus jeunes de la maternelle jouent davantage côte à côte qu’ensemble. Puis, peu à peu, ils entrent en relation avec les autres.

9. Et si “je n’accroche pas” avec la maîtresse ?

Devant votre enfant, mieux vaut taire vos réserves : vous risqueriez de le mettre en porte-à-faux s’il l’apprécie, lui. Si, au contraire, c’est votre enfant qui n’accroche pas avec son enseignant, autant lui expliquer qu’il ne peut pas en changer et que “la maîtresse n’est pas là pour aimer et être aimée, elle est là pour faire l’école”, comme le conseille la psychanalyste Myriam Szejer, qui a consacré un livre à la rentrée en maternelle (voir “Lectures de rentrée” ci-dessous).

Une fois les premières semaines passées, si votre enfant continue de parler de sa maîtresse ou de son maître en termes négatifs, n’hésitez pas à demander un rendez-vous. Et si vous-même êtes toujours mal à l’aise face à l’enseignant, faites de même. Un simple échange entre adultes peut parfois lever des malentendus.

10. Les nouveaux rythmes scolaires ne vont-ils pas trop épuiser mon enfant ?

Dès cette rentrée, toutes les écoles publiques adoptent un nouveau rythme. Cinq matinées seront travaillées. La plupart des enfants auront désormais classe le mercredi matin (ou le samedi matin dans une minorité de communes). L’enseignement des après-midi sera, lui, raccourci.

En complément, des activités périscolaires seront proposées, sous la responsabilité de la commune (et non plus de l’Éducation nationale). Elles sont facultatives. Vous pouvez décider de ne pas y inscrire votre enfant, si vous avez la possibilité de le faire garder autrement. Votre mairie vous renseignera sur l’organisation choisie.

Lectures de rentrée

Une année au foyer, Nathanaël Dupré La Tour, Édition du Félin

Une fois n’est pas coutume : c’est un papa qui prend la plume, un papa qui a décidé de devenir père au foyer. Cette expérience, il la relate avec son regard et son style d’intellectuel surdiplômé, transposant des théories fantaisistes de management à la gestion familiale. Rien de maternant, beaucoup d’autodérision : un ovni dans la littérature parentale.

Le journal de Gaspard, Joséphine Lebard, Marabout

Gaspard a 4 ans ¾ et il écrit son journal. Enfin, en fait, à Pomme d’Api, on le sait, c’est sa maman qui le fait à sa place. Et elle a beaucoup d’humour, Joséphine ! Du coup, il est très drôle, ce vrai faux journal d’un petit citadin : Gaspard va à l’école, au parc, au musée, à l’étranger… Gaspard a peur du noir, fête son anniversaire… Chaque chapitre se clôt par une double page pratique, avec les avis de psychologues, d’enseignants, d’experts en tout genre. Pour tous les parents qui “espèrent s’améliorer” !

Petite école, grande rentrée, Myriam Szejer, Bayard

La réflexion d’une psychanalyste sur le sens de la rentrée en maternelle, qui invite les parents à se replonger dans leur propre rapport à l’école. Un incontournable pour mieux accompagner nos enfants lors de cette grande étape.

Anne Bideault – Illustrations Robin –
Supplément Parents Pomme d’Api n°583, septembre 2014.
Recette : la palette à croquer n°649 - Pomme d'Api

Recette : la palette à croquer

Les petits artistes vont se régaler avec cette palette, en pâte à pizza, facile à préparer et à croquer. Aidez-les pour la cuisson, ils se chargeront de la présentation !

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Recette : tartinosaure Pomme d'Api n°632

Recette : le tartinosaure

Comment transformer deux baguettes viennoises en “tartinosaure” ? Suivez les explications de Pomme d’Api et préparez avec votre enfant un spectaculaire goûter à partager !

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“Comment leur parler de la violence du monde ?”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, novembre 2017. Illustrations Pascal Lemaître.

Comment parler aux enfants de la violence du monde ?

Guerres, actes terroristes, faits divers… : l’écho de la violence du monde arrive jusqu’aux enfants, même tout petits. Quand ils nous interpellent sur ceux qu’ils nomment souvent les “méchants”, y a-t-il une “bonne” réponse à apporter ? Quelle attitude, quelles paroles vont les rassurer ? La psychologue Françoise Guérin et le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, nous éclairent sur la manière d’accompagner le questionnement des enfants dans le supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api de novembre.

“Méchant”, “gentil”… Apporter de la nuance

L’enfant, à l’âge des petits lecteurs de Pomme d’Api (3-7 ans), a des avis tranchés : il y a d’un côté, les méchants, de l’autre, les gentils ; les choses sont propres ou sales, grandes ou petites… Pour se constituer des repères, il a besoin de catégoriser le monde, en triant, en classant. C’est son travail ! Le rôle des parents et des éducateurs est de lui montrer que les choses ne sont pas aussi simples : un camarade de classe peut être “très méchant” à la récré du matin et “super copain”, l’après-midi.

Alors aidons-le à affiner sa pensée, en lui posant des questions : “Tu dis qu’il est méchant. Mais méchant comment ? Méchant en colère ou méchant triste ? Envieux ? Brusque ?” Invitons à plus de précision et, par là, plus de justesse : on peut être en colère sans être violent, on peut être violent sans que cela manifeste de la méchanceté, etc. Cela permettra aussi d’avancer l’idée que l’immense majorité des gens ne sont ni absolument méchants, ni absolument gentils… à commencer par nous-mêmes. “Toi aussi, parfois, tu as envie de bousculer ton frère pour lui prendre son jouet, non ? Tu te souviens du soir où tu as renversé ton assiette tellement tu étais en colère ? Et ce matin, quand je t’ai grondé parce que j’étais énervé. Tu m’as peut-être trouvé “méchant” ?”

À nous aussi de contrebalancer certaines associations spontanées : un enfant a tôt fait de qualifier de “gentil” quelqu’un de beau et bien habillé, alors que quelqu’un qu’il décrit comme “pas beau” sera considéré comme potentiellement “méchant”. Le monsieur mal fagoté que l’on croise dans la rue n’est pas forcément un “méchant”, la camarade de classe dont les cheveux sont “bizarres” non plus.

Mettre des mots sur l’extrême violence

“Comment leur parler de la violence du monde ?”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, novembre 2017. Illustrations Pascal Lemaître.Nous sommes d’accord : les attentats, les faits divers, les bribes d’informations tragiques entendues à la radio ou entrevues à la télé font entrer l’enfant dans un autre registre. L’adulte qui tue n’a rien à voir avec le petit camarade qui donne un coup de pied ou qui mord. Pour la psychologue Françoise Guérin, même si l’enfant va spontanément utiliser ce terme familier (“le méchant”), mieux vaut s’extraire du monde enfantin et élargir le vocabulaire : “un terroriste”, “un criminel”, “un adulte plein de haine et de rancœur”.

À l’âge de l’école maternelle, les mots les passionnent, car ils leur permettent de questionner le sens. Alors ne craignons pas d’expliquer : “La haine, c’est quand on ne peut plus aimer dans son cœur, quand plus rien ne compte. Or toi, même quand tu es très en colère contre ton frère ou contre moi, ce n’est pas ton cas : tu ne souhaites pas qu’on ne soit plus là pour toujours, tu ne vas pas nous détester pour toujours.” Toutes ces nuances sont des aides à penser.

On peut aussi expliquer à l’enfant que beaucoup de spécialistes réfléchissent aux raisons qui amènent ces personnes à agir ainsi, pour essayer de les guérir de leur haine. Mais qu’il y a des choses qu’on peut chercher à comprendre avec sa tête, mais que le cœur, lui, ne peut pas comprendre.

“Comment leur parler de la violence du monde ?”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, novembre 2017. Illustrations Pascal Lemaître.

Avouer son désarroi

“En disant que je suis bouleversée, que je ne comprends pas, que je me sens impuissante, j’ai l’impression de ne pas jouer mon rôle de parent”, s’inquiète une maman, qui se souvient avoir fondu en larmes en entendant la nouvelle de l’attentat contre Charlie Hebdo.

Les pleurs de l’adulte impressionnent, c’est vrai, mais dissimuler son émotion serait une erreur. Ne serait-ce pas plus effrayant, pour un enfant, que son parent se montre indifférent ? Les pleurs manifestent que l’on est relié aux autres, que l’on est concerné par ce qui leur arrive. L’émotion de l’adulte ouvre à l’enfant la possibilité d’être ému, lui aussi. Et de se rendre compte que pleurer n’est pas synonyme d’être faible. D’autant qu’il constatera que petit à petit, l’adulte se remet de son émotion.

Dire son impuissance à son enfant peut aussi le soulager. Car souvent, les enfants pensent qu’il est nécessaire d’être tout-puissant : “Même pas mal !”, “Même pas peur !”, et supposent que les adultes n’ont jamais peur, jamais mal.

Accueillir la question de la mort“Comment leur parler de la violence du monde ?”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, novembre 2017. Illustrations Pascal Lemaître.

« Mon fils a entendu un flash à la radio, raconte Sandra. Quand je lui ai expliqué qu’un attentat avait eu lieu en Grande-Bretagne, il s’est effondré : “Pourquoi ils font ça ? ”» L’effondrement de ce petit garçon est le signe que des grandes questions existentielles l’ont touché au cœur, et particulièrement celle de la mort. Or si nous tenons à la vie, c’est parce qu’il y a la mort.

Les attentats font ouvrir ce que Françoise Guérin appelle “le livre de la mort”. Éprouver des angoisses, se poser des questions, c’est le signe que l’enfant s’invente ses solutions pour s’habituer à cette idée de la perte de la vie, de la perte de ce qu’on aime. Il construit son imaginaire, sa pensée.

Dans une certaine mesure, la répétition des attentats depuis janvier 2015 a redonné à la mort une place dans nos vies qu’elle avait autrefois, alors que nos sociétés modernes cherchent à l’escamoter. Accueillir les questions des enfants sur ces sujets est essentiel, même si nous n’avons pas de réponse à la question : “Pourquoi il a fait ça ?”

De la puissance du jeu et des contes pour mieux digérer la violence

Et les jeux de guerre ?
Jouer, c’est faire semblant. Mieux vaut faire semblant de mordre que mordre pour de vrai, non ? C’est d’ailleurs ce que font les parents avec leur bébé joufflu quand ils le menacent de le manger tout cru sur la table à langer ! Le jeu permet de traiter les pulsions destructrices que tous éprouvent. La pulsion dite “de mort”, présente en chacun, est celle qui pousse à détruire ou à se détruire. Toute notre vie, nous devons la combattre, par un effort constant de civilisation. En jouant “à la guerre”, en se bagarrant à coups de pistolets en plastique ou d’oreillers, en dessinant d’affreuses créatures, etc., on satisfait cette pulsion, mais sans détruire l’autre ni soi-même.

“Comment leur parler de la violence du monde ?”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, novembre 2017. Illustrations Pascal Lemaître.

Et les méchants des contes ?
“Ma fille me réclame sans cesse Le Petit Poucet, qui est quand même un conte terrible, avec des parents qui, trois fois de suite, abandonnent leurs enfants, un ogre qui tue ses propres filles, etc. Quatre ans, c’est pas trop jeune pour ça ?” s’inquiète Sylvie. Le Petit Poucet, comme d’autres contes ou mythes, est un magnifique cocktail : l’enfant s’y confronte à sa peur de l’abandon et de la dévoration. S’il le réclame, c’est qu’il y cherche et y trouve quelque chose dont il a besoin pour travailler ce qu’il perçoit du monde dans lequel il vit. La lecture des contes, dans leurs versions non édulcorées, peut soutenir l’enfant dans son travail de “digestion” de la violence du monde.

“Comment leur parler de la violence du monde ?”, texte d’Anne Bideault, avec Françoise Guérin, psychologue. Supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, novembre 2017.

Interview de Boris Cyrulnik : “Ce ne sont pas tant les mots, que la manière de dire qui importe”

Boris Cyrulnik, le célèbre neuropsychiatre, spécialiste de la résilience, nous explique la pensée binaire des enfants. Son éclairage peut nous aider à trouver une manière de transmettre une parole sécurisante aux tout-petits.“Comment leur parler de la violence du monde ?”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, novembre 2017. Illustrations Pascal Lemaître.

Face à la très grande violence aveugle du terrorisme, comment dire aux tout-petits notre colère, notre révolte ou notre très grande tristesse ?
Si on se met dans la tête d’un enfant de 3 à 6 ans, d’un tout-petit, on éprouve ce qu’éprouvent les adultes qui sont autour de nous. Ce n’est pas tant l’évènement qu’ils ressentent que l’expression des émotions des adultes qui les entourent. La manière dont les adultes vont parler de ce “trauma” transmet quelque chose aux enfants. Ce qui veut donc dire que si les adultes se taisent, les enfants vont entendre parler des attentats à la télévision ou autour d’eux et ils s’étonneront du silence des adultes, des figures d’attachement autour d’eux. Cela va déclencher chez ses enfants une sensation étrange qui, plus tard, pourrait se transformer en angoisse.

Mais comment parler d’une violence aveugle qui nous dépasse et nous laisse sans mots ?
C’est avant tout la manière dont l’adulte en parle qui importe. Si les adultes répondent aux attentats, aux images de guerre par des manifestations d’angoisses et d’horreur, ils vont entraîner l’enfant dans un monde d’angoisses et d’horreur. Mais si les adultes se sécurisent en se soutenant d’abord entre eux, ils arriveront à transmettre aux enfants un message d’une manière sécurisante. Les enfants percevront alors qu’il s’est passé quelque chose de grave mais qu’on peut apprendre à surmonter cette épreuve. Moi, dans ma tête d’enfant de 3 à 6 ans, je comprends que c’est grave, mais je comprends aussi que l’on peut être sécurisé et que les adultes me protègent.

Les enfants perçoivent-ils que la violence d’un attentat est d’un autre registre, de l’ordre de la terreur aveugle et du non-sens ?
Non, à cet âge-là, les enfants ont une pensée binaire. Pour eux, tout ce qui n’est pas grand est petit, tout ce qui n’est pas gros est maigre, tout ce qui n’est pas gentil est méchant… Le monde est divisé entre le monde connu et le monde inconnu. Le premier – Papa, Maman, la maîtresse, la gentille voisine, etc. – est sécurisant. Le second est angoissant. C’est ainsi que les enfants perçoivent le monde.

Dans le monde binaire des enfants, y a-t-il donc une place à part pour le “très très méchant qui tue” selon une expression d’enfant que nous avons entendue plusieurs fois ?
L’enfant fait une vague différence entre le “méchant”, et le “très très méchant qui tue”, mais c’est pour faire plaisir aux parents, parce que de toute façon, entre 3 et 6 ans, le mot “mort” ne désigne pas quelque chose d’irrémédiable.
Ainsi, si Grand-mère est morte, elle est sur un nuage lointain, elle va revenir dans très très longtemps. Dans le film de Blanche-Neige, qui est un film terrorisant, que les enfants adorent, Blanche-Neige est morte en mangeant la pomme de la méchante sorcière, mais elle se réveille. Les mots ne désignent pas les mêmes choses, selon notre stade de développement. Encore une fois, ce ne sont pas tant les mots qui importent, que la manière de “dire”…“Comment leur parler de la violence du monde ?”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, novembre 2017. Illustrations Pascal Lemaître.

Et que répondre quand même à la question “pourquoi il y a des très très méchants qui tuent” ?
Le mot “mort” ne désignant donc pas la même chose, si un enfant entend dire qu’un terroriste a tué des gens, il l’entendra comme dans un conte. Mais l’adulte peut lui dire qu’il y a des gens malheureux qui tuent, mais qu’ils sont peu nombreux. Et qu’il y a beaucoup plus de gens heureux et gentils, qui se rassemblent pour se protéger. Ce récit permet à l’enfant d’être au courant. Les parents ont alors parlé, mais ils n’ont pas angoissé leur enfant.

Derniers ouvrages parus de Boris Cyrulnik :
• Ivres paradis, bonheurs héroïques
(éditions Odile Jacob).
Il y est question du besoin des individus et des peuples de s’inventer des héros.
• Boris Cyrulnik et la petite enfance,
collectif (éditions Philippe Duval).

“Ce ne sont pas tant les mots, que la manière de dire qui importe”, propos de Boris Cyrulnik recueillis par Anne Ricou. Supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, novembre 2017.
À TABLE ! Ensemble, c'est meilleur ! Illustration : Muzo.

Repas en famille : les dessous de la table

La journée nous disperse… et le repas, préparé avec plus ou moins de plaisir, nous rassemble ! Pomme d’Api a mené l’enquête sur ce moment d’échange pendant lequel parents et enfants partagent bien plus que des plats…

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