. Illustration : Charles Dutertre.

Comment aider votre enfant à s’endormir tout seul ?

Vous redoutez le moment du coucher qui, inévitablement, traîne en longueur ? Vous enviez tous ceux dont les enfants s’endorment au quart de tour et ne les réveillent pas la nuit ? Ce dossier sur le sommeil est fait pour vous ! Des explications, conseils et témoignages – extraits du supplément pour les parents de Pomme d’Api – à lire ci-dessous.

S’endormir, c’est se séparer

Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes : à l’âge Pomme d’Api (3-7 ans), sauf maladie ou événement particulier, un enfant a les capacités de s’endormir sans que la présence de l’adulte soit nécessaire. Que ce soit au début ou au milieu de la nuit, même après des microréveils, tout comme les adultes. Mais il y a un hic… Pour l’enfant, le sommeil reste une histoire de séparation. Et c’est là que commencent les soucis de nombreux parents !

La séparation du soir, c’est celle d’avec les parents, les “éveillés”, le monde, le jour, la lumière. S’endormir, c’est s’abandonner à un état qu’on ne maîtrise pas. Pas toujours aisé, ni pour l’enfant concerné, ni même pour ses parents, parfois ! Si bien que lorsqu’il y a un problème de sommeil dans une famille, il faut essayer de comprendre ce qui se joue pour l’un comme pour les autres. On le devine : l’écosystème psychologique de la famille compte énormément.

S'endormir : la séparation du soir. Illustration : Charles Dutertre.

Difficultés de sommeil : faire le point

Aude Becquart a travaillé pendant quinze ans dans le milieu hospitalier en pédiatrie puis en crèche, avant de se lancer comme “consultante en puériculture et parentalité” à domicile. Constatant que pour les parents d’enfants de moins de 6 ans, le sommeil est un sujet épineux et récurrent, elle s’est spécialisée sur ces questions. Celle que ses clients satisfaits surnomment la “fée dodo” signe un livre dont le titre fait rêver : La méthode chrono-dodo. Pourtant, elle le reconnaît volontiers : en matière de sommeil, il n’y a ni recette ni miracle, et chaque cas est unique. Avec modestie, elle admet être parfois impuissante.

Quand une famille la sollicite pour des difficultés de sommeil, elle commence par tout passer en revue. Comment va l’enfant en dehors du sommeil ? Profite-t-il d’un temps de qualité quotidien, même bref, avec chacun de ses parents, pendant lequel l’adulte est pleinement disponible, sans faire autre chose, sans consulter son téléphone, sans penser à tout le reste ? Dans la journée, l’enfant est-il envahissant ? Sollicite-t-il beaucoup ? Est-il capable de s’occuper seul ? Au retour de l’école (ou de chez la nounou), comment se répartissent les rôles ? Quel est le déroulé d’une soirée type ? Chaque parent est-il à l’aise avec la place qu’il occupe ? Quelles émotions ressent chaque parent quand l’enfant pleure ou quand il doit le quitter ? La famille vit-elle des événements particuliers (déménagement, naissance, maladie, chômage, deuil, séparation…) ? Comment a-t-elle vécu la crise sanitaire ? 

Repérer les signes de fatigue

Par ailleurs, certaines étapes du développement psychique de l’enfant peuvent interférer sur son sommeil. Aux alentours de 2 ans, il a besoin de s’affirmer en tant qu’individu. Certains vont même jusqu’à refuser de s’endormir ! À partir de 4 ans (mais aussi plus tard), les angoisses existentielles engendrent parfois peurs et cauchemars. Dernière chose à savoir pour éviter des maladresses : on attend souvent que l’enfant chouine pour déclarer, “Oh, toi, tu es fatigué, vite au lit !“. Or, le fait que l’enfant râle ou pleurniche indique au contraire qu’on vient de rater le train du sommeil et… qu’il va falloir attendre le suivant, environ 50 minutes après.

Aider votre enfant à s'endormir et repérer les signes de fatigue - Histoire du soir. Illustration : Charles Dutertre.

Pour repérer les signaux de fatigue, il faut ouvrir les yeux plus encore que les oreilles, car tout se passe plutôt en silence : l’enfant s’isole, bâille, se frotte les yeux… En conséquence, pour mettre toutes les chances de votre côté, lisez l’histoire du soir sur son lit, pour ne pas avoir à déplacer votre enfant pour le coucher et ainsi rater le coche. Fort de cet audit familial et de ces informations, on est enfin prêt à accompagner notre enfant vers un sommeil autonome. Soyons honnêtes : ce sera peut-être long ! 

8 stratégies pour aider votre enfant à (vraiment) se coucher

1•  Prévenir l’enfant et expliquer : “On va travailler ensemble pour que tu réussisses à t’endormir seul, car tu en es capable et c’est mieux pour toi. Nous avons tous dû apprendre à dormir seuls dans nos lits, et nous sommes là pour t’aider à y arriver.” 

2• Utiliser le doudou pour faire passer des messages : “Ah, doudou, je sais, c’est difficile pour toi de dormir seul.
Mais tu peux y arriver ! Vous allez vous entraider tous les deux, je vous fais confiance.” Le doudou est votre allié ! 

3• L’heure du rituel du soir doit être toujours la même et repérable par l’enfant grâce à des repères visuels : “Quand la grande aiguille sera sur le 3, tu iras te brosser les dents et faire pipi.” Durée du rituel : vingt minutes maxi, pipi compris ! C’est ce que préconise Aude Becquart. 

4• Appâter : “C’est l’heure des petites histoires” est plus vendeur que “c’est l’heure de se coucher” ! 

5• Avant de quitter la chambre, passer en revue tous les éventuels problèmes : “Tu as soif ? Tu as mal ? Tu as envie de faire pipi ? Tu as ton doudou ? Rien ne te gratte ? Etc.”  Ainsi, pour les enfants qui ont toujours une nouvelle réclamation, façon “J’ai mal à la cuisse, là” (c’est du vécu !), on est en droit de répondre : “Ah mais tu ne l’as pas dit tout à l’heure quand on a parlé de tout ! Si tu as oublié, c’est que ça peut attendre demain.”

6• Accepter de déplaire à son enfant : “Tu n’es pas d’accord, je le vois, je comprends. Mais mon rôle de parent, c’est que tu aies une bonne qualité de sommeil, pour bien grandir.” Pas facile…

7• Accueillir ses émotions avec empathie tout en confirmant ses capacités à les traverser : “Tu as peur ? C’est normal ! Moi aussi, je me souviens, j’avais peur. Mais je suis là, à côté, et je reviens te voir dans tant de minutes.” 

8• Ne pas accourir à ses moindres sollicitations, en particulier pendant la journée, pour l’exercer peu à peu à l’autonomie : “Non, maintenant, c’est mon moment à moi.” Et lui donner des repères temporels visuels : “Quand
la grande aiguille arrivera au point vert, je m’occuperai entièrement de toi.”

8 stratégies pour aider votre enfant à (vraiment) se coucher. Illustration : Charles Dutertre.

Témoignages de parents sur le sommeil de leur enfant

J‘éprouve un sentiment d’impuissance”

Muriel, un garçon de 3 ans et demi et des jumeaux de 18 mois
”Avec mon aîné, le sommeil a toujours été compliqué depuis sa naissance. J’ai dévoré tous les livres sur le sommeil, tenté l’aromathérapie, la phytothérapie, l’homéopathie, la réflexologie plantaire, la kinésiologie… Depuis la naissance de ses petits frères, c’est pire : l’endormissement est problématique et il me réveille jusqu’à sept fois la nuit. Je suis en première ligne, car leur père travaille loin et ne rentre pas souvent. J’éprouve un sentiment d’impuissance : j’ai l’impression que quelque chose ne va pas, et que je ne sais pas répondre à sa demande. J’éprouve de la colère, je finis par crier, par ne plus être bienveillante. Quand on ne dort pas, on ne peut pas être bienveillant et positif. Mes parents m’accordent une nuit de sommeil par semaine en le prenant chez eux. Et je me dis qu’un jour, ça lui passera.”

Problèmes de sommeil de mon enfant : “J‘éprouve un sentiment d’impuissance”. Illustration : Charles Dutertre.

“Chez nous, le coucher est assez ritualisé”

Timotei, 3 enfants (5 ans et demi, 3 ans et demi, un an et demi)
”Le sommeil n’a pas trop été un sujet pour nous. Avec ma compagne, on les a toujours posés dans leurs lits avant qu’ils soient endormis ; on n’a jamais cherché à être indispensables au moment de l’endormissement. Chacun a son espace pour dormir : notre chambre, c’est notre chambre et ça l’a toujours été. C’est peut-être une façon de se préserver ! Chez nous, le coucher est assez ritualisé : pyjama, brossage de dents, on lit deux histoires qu’ils choisissent, bisous, câlins… Chacun a sa petite chanson personnalisée, dans laquelle on glisse ce qu’il a vécu dans la journée : ça leur permet aussi d’exprimer ce qu’ils n’auraient pas dit. Quand on quitte la chambre, on les laisse avec leurs livres, et ils les posent tout seuls au bout d’un moment. Autre élément : on revient toujours deux fois, au bout de vingt minutes, puis au bout d’une heure. Même s’ils sont déjà endormis ; ça les tranquillise de savoir que l’un de nous deux passera à nouveau les voir quoi qu’il arrive. Ils dorment à l’étage, pas nous. Peut-être que ça les rassure dans leur imaginaire : ils sont comme dans un donjon, et nous, en dessous, on les protège. Je me souviens avoir été sensible à ça quand j’étais petit.” 

Pour aller plus loin

La méthode chrono-dodo, Aider votre enfant à bien dormir, d’Aude Becquart, Leduc.s.
La partie centrale, intitulée “Qu’est-ce qui fait que l’enfant ne dort pas ?”, est composée d’une quarantaine de situations particulières : l’absence du père, l’adulte qui a besoin de câlins, la famille qui s’agrandit, le co-dodo, la tétine… Les récits et témoignages sont suivis de conseils. On se reconnaît dans certaines descriptions, on lève les yeux au ciel face à d’autres… Un livre qui donne de l’assurance, sans pour autant faire croire au coup de baguette magique.


Au lit, presque tout seul !”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°668, octobre 2021. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Charles Dutertre.
Couverture du magazine Pomme d'Api, n°668, octobre 2021, et son supplément pour les parents “Au lit, presque tout seul !”

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