Nos téléphones et nos enfants. Illustration : Pierre Fouillet

Nos téléphones et nos enfants

Nous l’avons (presque) toujours à portée de main. C’est un objet magique aux yeux de nos enfants (et des nôtres ?) Comment perçoivent-ils nos téléphones ? Comment l’intégrer (mais pas trop !) dans notre vie avec eux ? Petites scènes de vie quotidienne.

Nos téléphones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014Un objet convoité

Nos téléphones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014L’été dernier, Agnès s’est fait voler son téléphone portable. Le coupable ? Son neveu de 6 ans, qui l’avait pris dans son sac à main pour le ranger soigneusement dans sa boîte à trésors. Commentaire de la victime : “J’ai réalisé à quel point cet objet peut faire envie aux enfants. Ne serait-ce que parce que les adultes y tiennent beaucoup et y consacrent beaucoup de temps.”
Benoît, père de trois enfants de 7, 3 et 2 ans, complète : “Tant qu’ils n’en connaissaient pas les possibilités, nos enfants ne s’y intéressaient pas. Dès lors que nous leur avons montré qu’on pouvait jouer, colorier, regarder des dessins animés, ils l’ont réclamé !”
Nos téléphones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014À l’opposé, Marie a bien un téléphone, mais elle sait rarement où il est et s’il est chargé. Il laisse ses fils indifférents. Bref, par le rapport qu’ils entretiennent avec leur téléphone, les parents influencent le comportement de leurs enfants. Ceux qui l’ont toujours en main risquent fort de devoir le partager !

Un téléphone pour se souvenir

“Dès que je sors mon smartphone de ma poche, s’amuse Emmanuelle, mère de trois filles âgées de 10, 8 et 2 ans, ma petite dernière prend immédiatement la pose en disant “cheese”. Puis elle vient voir la photo.” Bonheurs quotidiens, réalisations manuelles, grandes prouesses et petites victoires, nous mettons tout ce que nous vivons de positif dans la boîte. Et les enfants le réclament : “Tu fais une vidéo de moi sur mes rollers ?”

Paradoxalement, rares sont ceux d’entre nous qui s’assurent de la sauvegarde de tous ces souvenirs numériques, pour l’heure guère maîtrisée. “Si l’on prend trop souvent un enfant en photo, met en garde le psychologue Serge Tisseron ce mois-ci dans le magazine Popi,  il risque alors de penser que ses parents le préfèrent en image plutôt que dans la réalité, qu’ils l’aiment plus sur les photos que pour de vrai. Mieux vaut choisir de mettre en valeur ses productions (dessins, peintures…). Là, le message est clair : nous t’aimons pour ce que tu fais, pas pour ton image.”

Reste que les enfants revivent avec délectation leurs aventures des mois précédents. C’est l’utilisation favorite des plus petits.

Un téléphone pour se divertir

Nos téléphones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014À bien y réfléchir, aucun jouet ne coûte aussi cher que celui-là. On comprend la réaction offusquée d’une grand-mère : “Vous lui mettez dans les mains un objet qui vaut 500 euros ?” Pour cette raison, Benoît ne prête son téléphone qu’à certaines conditions : “Il faut que les enfants restent bien assis, sinon, c’est terminé !”

Avec l’intuition qui les caractérise, l’appareil leur est rapidement familier. Ils retrouvent facilement les jeux. “Mes enfants me réclament souvent mon téléphone pour jouer, explique Agnès. J’ai été obligée d’instaurer des règles, car ça générait des disputes. Par contre, ça me sert d’alibi : nous n’avons pas de console de jeux, ni de DS, et nous n’en achèterons pas : il y a le téléphone !”

Un téléphone pour patienter

Une pédiatre en faisait la remarque : “Aujourd’hui, dans ma salle d’attente, les enfants jouent sur des écrans. À mon sens, rien ne peut remplacer la manipulation de vraies pièces de puzzle en carton, que l’on peut retourner, tripoter, mâchouiller !”

Nos téléphones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014Pour les parents, avouons-le, quelle invention géniale ! “À la maison, c’est rare que je leur permette d’y jouer, explique Benoît, mais dès qu’il faut attendre, on y a recours : dessins animés, coloriages, jeux, musique…” En train, en voiture, en avion, c’est pratique.

Pascale, qui se définit pourtant comme “addict”, modère son enthousiasme : “Je ne peux pas m’empêcher de penser que si j’avais prévu un livre ou un magazine pour la salle d’attente, ce serait un moment plus sympa pour mon fils et pour moi. On serait ensemble, plutôt que chacun de son côté, côte à côte. J’ai un peu mauvaise conscience.”

Un téléphone pour… communiquer

Nos téléphones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014La fonction première du téléphone passe au second plan pour les enfants. Ils l’oublient, même. “Toi ? Un téléphone ? Mais pour appeler qui ?” s’est exclamée Agnès lorsque sa fille lui en a fait la demande en… CE1. La petite a ouvert de grands yeux étonnés : “Mais personne !” Elle ne pensait qu’à toutes les autres fonctions que propose l’appareil, comme d’autres réclament une DS ou une Wii.

Rien d’étonnant à tout cela, tout compte fait : sur les 128 minutes que nous passons quotidiennement sur notre téléphone portable, seulement 12 sont consacrées à des conversations téléphoniques. Les enfants intègrent cependant très vite la notion de “messages”, en oubliant même qu’on peut aussi parler avec le téléphone : “On envoie un message pour inviter mon copain ?” réclame Robinson du haut de ses 5 ans.

L’envoi de photos, et, pour les plus équipés, les communications vidéo, ont aussi beaucoup de succès. “On se met tous ensemble, et on appelle leur mamie ou leur cousin, explique Pascale, ils sont ravis de se voir !”

Un téléphone qui déconcentre

Comme un téléviseur allumé dans une pièce, si l’on n’y prend pas garde, le téléphone portable happe l’attention de tous. Car il a une vie autonome. Il bipe, il vibre, il s’éclaire, et nous déconcentre : “Houhou ! Tu as reçu un message ! Houhou ! Quelqu’un t’a appelé ! Houhou ! C’est l’anniversaire de ta collègue…”

Il est la porte par laquelle le monde extérieur, la sphère professionnelle, les sollicitations diverses s’invitent dans notre foyer. Quand il nous sonne, nous accourons, perdant souvent conscience de ce qui est vraiment important à nos yeux. “Papaaa ! À toi de jouer !” Mais Papa vient de recevoir un message et son esprit est ailleurs.

“J’essaie de ne pas le regarder à tout bout de champ, reconnaît aussi Pascale, maman de deux garçons. Il est toujours sur silencieux et hors de leur vue. Je ne l’utilise pas sous leur nez, sinon, ils sont tentés !” Anaïs a trois enfants et une position arrêtée : “Ils ne l’ont jamais touché. J’ai peur de l’influence des ondes sur leur cerveau, et je ne veux pas leur donner le modèle de l’adulte avec son portable greffé à l’oreille.”

Quel que soit l’usage que l’on en fait, le pouvoir d’attraction du smartphone nous oblige donc à clarifier notre position éducative vis-à-vis de lui. Quand on y pense… “Non, mais allô, quoi !”

Propos recueillis par Anne Bideault – Illustrations Pierre Fouillet
Repas en famille… et sans stress ! Illustration : Peter Elliot

Repas en famille… et sans stress !

Il y a des repas en famille où nos nerfs sont mis à rude épreuve. Et quel parent n’a alors jamais rêvé de jeter son tablier ? Quand il s’agit de nourrir nos enfants, nous y mettons beaucoup d’affect. Le savoir peut aider à ajuster nos comportements pour des repas plus sereins.

Autour de la table, l’impact de nos souvenirs d’enfance…

Les enfants à table ! Et si on faisait baisser la pression ? - Supplément parents Pomme d'Api - Février 2014 - Illustrations Peter ElliotRien ne cristallise plus notre angoisse de parents que la relation qu’entretiennent nos enfants avec la nourriture. Réaction naturelle, animale, puisqu’elle touche à la survie. Mais pas seulement, car dans nos casseroles se mélangent des ingrédients psychologiques complexes.

Isabelle Filliozat, psychothérapeute, nous invite à nous interroger sur ce qu’évoque la cuisine pour nous, sur l’image que nous en conservons depuis l’enfance, sur les interdits et les permissions que nous y avons reçus. Qui faisait la cuisine ? Avec plaisir ou ennui et lassitude ? À table, qu’attendaient de nous nos parents ? Tout cela joue – dans un sens ou dans l’autre – sur notre attitude actuelle. Quand on a été privé de dessert petit, il peut être difficile de réprimer un “Si tu ne finis pas tes légumes, tu n’auras pas de yaourt !” ou, à l’inverse, on peut avoir envie de laisser son enfant ne manger que du sucré.

Pas facile alors de se déprogrammer pour changer d’attitude. Surtout quand il faut imaginer en vitesse un repas après une journée de travail sous pression, tout en gérant le bain, les devoirs, et la fatigue de la maisonnée…

Au menu, amour ou nourriture ?

Il y a des repas en famille où nos nerfs sont mis à rude épreuve. Et quel parent n’a alors jamais rêvé de jeter son tablier ? Quand il s’agit de nourrir nos enfants, nous y mettons beaucoup d’affect. Le savoir peut aider à ajuster nos comportements pour des repas plus sereins.“Je vais lui faire son petit plat préféré, il m’en dira des nouvelles…”, “J’ai préparé ce gratin avec amour et personne ne finit son assiette ?”… Ces phrases, qui ne les a pas prononcées ? Elles traduisent une attente bien précise.

Inconsciemment, les parents confondent don de nourriture et don d’amour”, notait Maryse Vaillant dans son livre Cuisine et dépendances affectives. Trop souvent, nous préparons à manger pour qu’on nous aime ou pour montrer notre amour. Nous en attendons même de la gratitude. Nous invitons même notre enfant à manger “une cuillère pour Maman, une cuillère pour Papa.” Mais un enfant ne mange pas pour son papa ou pour sa maman, mais pour lui. Rien de neutre dans cette cuillère tendue.

Du refus net… à la décision de manger

Face à nous, un petit d’homme qui sent toutes nos attentes et… décide que, non, il ne mangera pas. Pas avec les couverts, mais à la main ; pas assis, mais debout ; pas l’entrée, mais le dessert… À l’âge Pomme d’Api, un enfant a beaucoup à prouver. En premier lieu, qu’il est un individu singulier, capable de décider. Et donc de refuser, même ses aliments préférés.

Dans le même temps, sa curiosité est immense. Mais toutes ces nouveautés sont difficiles à apprivoiser. Ce qui explique aussi ses refus. Lutter, interdire, forcer – on comprend alors que tout cela est voué à l’échec.

Les parents, selon Maryse Vaillant, ne devraient pas “convaincre” un enfant de manger, mais “lui en donner la possibilité”. En lui permettant de choisir, si nous nous en sentons capables. En acceptant par exemple une période “bananes” (c’est du “vécu”!), qui peut durer plusieurs jours. Tout autre aliment étant systématiquement écarté avec un non très ferme. Quel régime…

Les bonnes manières, oui mais…

Il y a des repas en famille où nos nerfs sont mis à rude épreuve. Et quel parent n’a alors jamais rêvé de jeter son tablier ? Quand il s’agit de nourrir nos enfants, nous y mettons beaucoup d’affect. Le savoir peut aider à ajuster nos comportements pour des repas plus sereins.De même, face à l’assiette, n’en demandons pas trop d’un coup à nos enfants. À l’image de ce repas de famille où d’appétissantes tranches de melon avaient été disposées dans chaque assiette. À la vue de ces assiettes, les enfants accourent. Mais une voix sèche assène soudain : “On attend que tout le monde soit assis pour commencer !” Étrangement, l’appétit de certains s’est alors évanoui, soulevant des commentaires pincés : “Qu’est-ce qu’ils sont difficiles !”

Eh oui… c’est difficile pour un petit de se plier à nos bonnes manières. L’ensemble des règles de bienséance s’apprend petit à petit. Aussi, si le repas est vécu comme un moment de bonheur autour de la table, nous pouvons fermer les yeux sur une petite bouche pleine et très bavarde…

Apaiser les repas : mode d’emploi

On mange quoi, ce soir ? Quel casse-tête parfois pour échapper à une crise ou à des négociations serrées autour de la table ! Sans cuisiner non plus un menu à la carte pour chacun, voici quelques suggestions pour varier les goûts et les plaisirs et inciter les enfants à sortir du purée-jambon-croque-monsieur-pâtes. Elles demandent un peu de temps mais peuvent faire baisser la tension. À tester durant le week-end ou les vacances, donc.

Faire la cuisine avec eux

Pour développer leurs sens et leur envie de goûter, les associer à la préparation du repas est efficace. Ils en seront tellement fiers ! Équeuter les haricots verts, écosser les petits pois, couper les pommes en morceaux (oui, même à 3-4 ans on peut manipuler un couteau), pétrir la pâte, voir couler la sauce…

Pas la peine de les cantonner à la pâtisserie, tout leur plaît, le sucré comme le salé. Même faire la vaisselle les passionne ! Cela leur prouve que la nourriture n’existe pas sous forme toute préparée. Les parents, eux, doivent s’armer de patience et apprendre à repêcher le jaune tombé dans le blanc !

Tester la fantaisie et la surprise

Il y a des repas en famille où nos nerfs sont mis à rude épreuve. Et quel parent n’a alors jamais rêvé de jeter son tablier ? Quand il s’agit de nourrir nos enfants, nous y mettons beaucoup d’affect. Le savoir peut aider à ajuster nos comportements pour des repas plus sereins.Et si on proposait aux enfants un pique-nique sur le tapis du salon ? Et si on faisait un repas orange ? Ou un repas à l’envers, en commençant par le dessert ? Et si les enfants choisissaient le menu aujourd’hui ? Et si l’on faisait un repas qu’on mange avec les doigts ? Enfin, de temps en temps, pour se ménager une vraie pause entre adultes autour d’un repas, pourquoi ne pas faire manger les enfants avant ?

Les initier aux goûts

Sucré, salé, acide, amer, piquant… Pas facile de mettre des mots sur ce que l’on sent avec sa langue. Incitez vos enfants à décrire les goûts, faites-les parler (“Tu n’aimes pas, mais pourquoi ? Qu’est-ce que ça te rappelle ? Et l’odeur ?…”) Ils adorent les dégustations à l’aveugle : une chips, un bout de courgette crue, un morceau de fromage… Devinez ! Et vous aussi prêtez-vous au jeu…

Respecter une même règle pour tous

Énoncer clairement la règle du jeu des repas en famille : chacun goûte à tout, au moins deux franches bouchées, avant de déclarer s’il aime ou non. Et la prochaine fois que l’aliment se retrouve sur la table, il goûtera de nouveau… Attention, ça vaut aussi pour les parents qui n’ont “jamais” aimé le céleri ! On sera parfois surpris. Bon appétit !

Deux psys qui ont mis leur nez dans la cuisine

Bien dans sa cuisine, d’Isabelle Filliozat, J.-C. Lattès, 2012

Bien dans sa cuisine, d’Isabelle Filliozat, J.-C. Lattès, 2012
L’auteure, qui pratique la méditation, fait de la préparation d’un repas une aventure intérieure. Pour ne plus la vivre comme une corvée !


Cuisine et dépendances affectives, de Maryse Vaillant et Judith Leroy, Flammarion, 2006
Chaque famille vit au rythme des repas. Les auteurs nous proposent d’en comprendre les enjeux. Tout lecteur s’y reconnaîtra par moments.

Anne Bideault – Illustrations Peter Elliot – Supplément parents Pomme d’Api – Février 2014
SamSam débarque au cinéma le 5 février !

SamSam débarque au cinéma le 5 février !

Bonne nouvelle pour les fans du plus petit des grands héros ! SamSam débarque le 5 février sur les écrans dans une aventure inédite où l’amitié, la gentillesse et le courage valent mieux que tous les super pouvoirs.

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Un jouet à fabriquer avec du papier, des ciseaux et de la colle.

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Pour fabriquer tes bricolages, demande à tes parents de télécharger les fichiers PDF, de les imprimer et de les découper en suivant les instructions ci-dessous :

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Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Illustration : Pierre Fouillet

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ?

Dans notre vie quotidienne de plus en plus rapide, la façon dont nos enfants vivent le temps, tantôt ne supportant pas d’attendre, tantôt prenant tout leur temps, met nos nerfs à l’épreuve. Et si nous cultivions ensemble la patience ? La leur… et la nôtre !

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Texte Anne Bideault - Illustrations Pierre Fouillet - Supplément au n°578 de Pomme d'Api, avril 2014Patience et longueur de temps…

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Texte Anne Bideault - Illustrations Pierre Fouillet - Supplément au n°578 de Pomme d'Api, avril 2014Nos questions sur le thème « les enfants et la patience » ont suscité des cris du cœur chez les parents interrogés : « Ce qui me demande un effort, s’exclame Anne, maman de Mona, 3 ans et demi, c’est ma propre patience, pas la sienne ! Réussir à me plier à son temps à elle plutôt que de la contraindre à épouser mon rythme à moi, voilà qui m’est difficile ! »

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Texte Anne Bideault - Illustrations Pierre Fouillet - Supplément au n°578 de Pomme d'Api, avril 2014Renaud, père de Pierre, 3 ans, et Zoé, 6 ans, balaye même le sujet d’un revers de la main : « C’est un non-sens de parler de la patience d’un petit enfant ! Il n’en a pas parce qu’il ne peut pas en avoir ! Quand on les accuse d’impatience, c’est de notre propre impatience que l’on parle, non ? »

Une intuition que confirme Bernadette Guéritte-Hess, psychomotricienne et orthophoniste. « Le temps, explique-t-elle, n’est pas visible. C’est le concept le plus difficile à comprendre. Seule la différence jour/nuit se voit. Le reste, une heure, une semaine, un an…, tout cela est invisible. Notre temps conventionnel n’existe pas pour l’enfant, qui est incapable d’évaluer ces durées. Longtemps, la seule différence dont il est capable, c’est “tout de suite” et “pas tout de suite”. La maîtrise complète du temps s’acquiert… en CM2, et encore ! »

Hier, aujourd’hui, demain

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Texte Anne Bideault - Illustrations Pierre Fouillet - Supplément au n°578 de Pomme d'Api, avril 2014Bien sûr, du stade du nourrisson qui réclame l’assouvissement immédiat de tous ses besoins, à l’écolier de 10 ans, une évolution se fait. Mais moins vite que l’on veut parfois l’espérer. Ainsi, note Raphaël, à propos du plus jeune de ses cinq fils, âgé de 4 ans : « “Après-demain” et “tout à l’heure” sont un peu mélangés dans sa tête. Tout ce qui n’est pas le présent est assez flou. »

Bref, quand on dit « Attends une minute » ou « Plus tard », un enfant comprend avant tout un refus, car il n’est pas capable de se projeter. Dès lors, comment l’aider à accepter d’attendre ?

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Texte Anne Bideault - Illustrations Pierre Fouillet - Supplément au n°578 de Pomme d'Api, avril 2014« Lorsque je fais patienter mon fils qui me réclame quelque chose, relate Raphaël, je tâche de le mettre dans l’action, pour qu’il ne soit pas uniquement en situation passive d’attente, et je m’efforce de lui donner des repères qui lui “parlent” : “après le déjeuner”, “quand on sera arrivé à ce rocher”… »

Autres stratégies chez Anaïs : « Mes fils expriment leur désir spontané (“je veux un yaourt”), sans faire attention au contexte. Dans ma réponse, j’essaie de les y sensibiliser : “Regarde, je suis en train de donner le bain…” Je les invite aussi à essayer de trouver eux-mêmes une solution à leur problème. »

Cette maman établit aussi une hiérarchie entre désirs et besoins. « S’ils ont faim, j’estime que c’est un besoin à assouvir au plus vite. Par contre, s’ils veulent le feutre rouge qui est dans le tiroir du haut, je trouve que la patience est un apprentissage utile ! »

« Attends, attends ! »

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Texte Anne Bideault - Illustrations Pierre Fouillet - Supplément au n°578 de Pomme d'Api, avril 2014Aux parents aussi de cultiver la patience pour eux-mêmes. Notamment le matin par exemple, où les quarts d’heure qui précèdent le départ à l’école ont le don de stresser les adultes.

Sandrine cherche des conseils pour ne plus être celle qui répète sans cesse : « Dépêche-toi ! » en interrompant les jeux passionnants de son fils de 3 ans.

Quand ses enfants lui répondent : « Attends ! », Anaïs s’efforce aussi de prendre du recul. Elle se questionne : « Lui ai-je demandé correctement ? Et surtout, est-ce la peine de l’interrompre dans son jeu ou puis-je attendre 2 minutes ? »

Visualiser le temps

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Texte Anne Bideault - Illustrations Pierre Fouillet - Supplément au n°578 de Pomme d'Api, avril 2014Pour désamorcer ces énervements bien naturels, Bernadette Guéritte-Hess préconise l’emploi d’une pendule toute simple, dotée des trois aiguilles (heures, minutes et secondes), bien distinctes (les colorer en bleu, jaune et rouge, par exemple).

« Avec les plus petits, on peut commencer à suivre le tic-tac de la trotteuse, en claquant la langue ou en frappant dans ses mains. Cela les amuse beaucoup. On suit 5 tic-tic, puis on arrête. »

À partir de 3 ans, cette pendule ainsi que d’autres instruments de mesure comme le minuteur, l’éphéméride, le calendrier annuel, permettent de montrer que « le temps, c’est de l’espace » et développer ainsi la précieuse pensée logico-mathématique.

Et si on cultivait la patience avec nos enfants ? Texte Anne Bideault - Illustrations Pierre Fouillet - Supplément au n°578 de Pomme d'Api, avril 2014Ainsi, un parent qui n’est pas disponible pourra dire : « Regarde, je colle une pastille bleue à cet endroit. Quand l’aiguille bleue (les minutes) y sera, je t’aiderai à faire ton puzzle. » Cela permet à l’enfant d’attendre, car il visualise le point d’arrivée. À nous de nous engager à être ponctuel !

Cela vaut aussi pour l’enfant qui « traîne » beaucoup. On peut ainsi lui dire : « Quand l’aiguille sera sur la gommette, il faudra que tu sois habillé. » Cela le responsabilise, donne un caractère ludique aux préparatifs du matin, et l’entraîne peu à peu à l’anticipation.

Patienter, c’est aussi se réjouir à l’avance. De l’anniversaire qui approche, du retour de Maman, partie en déplacement toute la semaine, de la visite tant espérée de Papi et Mamie, de la tulipe qui sortira un jour du bulbe planté ce matin, du gâteau que l’on mangera une fois que la pâte aura bien gonflé dans le four. Tout n’en est que meilleur !

À lire

L’enfant et le temps, de Bernadette Guéritte-Hess, éd. Le Pommier, 2011.
Fruit de cinquante ans de pratique d’orthophonie et de psychomotricité, ce livre permet de comprendre comment l’enfant structure sa pensée, dans et avec le temps. L’auteur donne une multitude de conseils pratiques pour rendre concrète cette notion si abstraite. Presque un jeu d’enfant !

Texte Anne Bideault – Illustrations Pierre Fouillet – Supplément Parents Pomme d’Api – Avril 2014