bouger c'est grandir dans sa tête !

Développement de l’enfant : bouger pour bien grandir !

Votre enfant ne se tient jamais tranquille ? Réjouissez-vous ! Le mouvement est indispensable pour permettre le bon développement corporel et intellectuel d’un petit, quand l’urbanisation et les écrans transforment notre quotidien ! Explications de trois spécialistes (kinésithérapeute, psychomotricienne, ergothérapeute) interrogées par la rédaction du magazine Pomme d’Api, avec des exercices pratiques qui aideront votre diablotin à se sentir bien dans son corps… de la tête aux pieds.

Pour grandir, un enfant a besoin de bouger !

“Dès la naissance, et jusqu’à l’âge de 7 ans environ, explique la psychomotricienne Pascale Pavy, le corps est central dans le développement de l’enfant. Sa pensée se construit lorsqu’il a des actions corporelles.” Pendant que l’enfant bouge, touche, ressent, expérimente, son cerveau accomplit son travail de connexion et de mémoire. Et il est soumis à rude épreuve ! Il doit sans cesse réévaluer ses connaissances : à peine a-t-il intégré qu’il est doté de deux bras que ceux-ci grandissent : il doit se faire à leur nouvelle taille. D’où la maladresse, si fréquente à cet âge-là !

Construire une tour de cubes, grimper à une structure de jeux extérieurs, c’est résoudre un problème : ce cube-ci est-il plus gros que celui-là ? Vaut-il mieux mettre ma jambe là, ou me retourner pour saisir cette corde-ci ? En cherchant ses propres solutions, en procédant par essais/erreurs, l’enfant construit sa pensée. Et contrairement à ce que l’on imagine souvent, il est extrêmement concentré lorsqu’il bouge. Le mouvement lui permet aussi d’acquérir des repères dans l’espace (dessus, dessous, entre, à côté), d’évaluer des distances, de coordonner ses gestes et son regard, autant de compétences qu’il faudra mobiliser pour apprendre à écrire, par exemple. Cela vaut pour tout type de gestes, même ceux qui nous semblent banals.

Des petits gestes essentiels pour développer ses compétences

Marion Ysebaert est ergothérapeute, et décrit son métier ainsi : “Il s’agit d’aider les enfants à être le plus autonome possible dans leur vie quotidienne et scolaire.” Elle déplore que l’on valorise davantage les sollicitations cérébrales que gestuelles, alors que les secondes nourrissent l’intellect : “Boutonner sa chemise, faire ses lacets, découper sa viande… Pour gagner du temps, les parents préfèrent les scratchs et les zips. En oubliant que ces petits gestes sont essentiels, y compris pour développer des compétences plus scolaires.”

À bien y regarder, on se plaint surtout de “l’agitation” de nos enfants, lorsqu’elle n’est pas appropriée à la situation. La kinésithérapeute Isabelle Gambet-Drago constate que les enfants d’aujourd’hui s’agitent beaucoup à des moments où l’on voudrait qu’ils “se tiennent tranquilles” (à table, en classe…), mais bougent moins, dans l’ensemble, que les générations précédentes. Les activités physiques, autrefois, étaient plus incontournables : on allait à pied à l’école, alors qu’aujourd’hui, on saute d’une voiture à la salle de classe puis l’inverse, sans avoir marché. On courait, on grimpait aux arbres, on faisait du vélo, on “se défoulait” dehors…

L’urbanisation des modes de vie, l’apparition des écrans “qui occupent les enfants”, l’accélération de la vie quotidienne… ont un impact sur le mouvement physique. Par exemple, qui d’entre nous ne s’est pas agacé de l’attrait de son enfant pour le mobilier urbain ? Pas le temps d’attendre qu’il ait escaladé le banc, qu’elle ait marché tout le long du muret, qu’il ait lancé tous les cailloux… Pourtant, se hisser en haut du mur représente pour les enfants un apprentissage d’une grande complexité qui met en jeu la précision, l’équilibre, la victoire sur l’appréhension, la confiance en soi, la concentration… Des compétences et qualités toutes fondamentales pour “être bien dans ses baskets” à l’âge où l’enfant grandit un peu tous les jours, dans sa tête comme dans son corps !
“Bouger, c’est grandir dans sa tête”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, mars 2017 - Texte : Anne Bideault - Illustrations : Muzo.

Les écrans : une entrave au mouvement

Les trois professionnelles sollicitées pour ce dossier (kinésithérapeute, psychomotricienne et ergothérapeute) ont chacune spontanément parlé de l’usage des écrans (tablettes, jeux vidéo) et de l’inquiétude que ça leur procure. “L’enfant a besoin d’éprouver son environnement avec son propre corps, rappelle Pascale Pavy. Si on réduit son environnement aux deux dimensions d’un écran – et l’appellation “3D” ou “tactile” a quelque chose de mensonger – qui lui procure beaucoup de plaisir, il développe la rapidité au détriment du corps, il est moins actif, il a du mal à se concentrer et à accepter l’attente et l’effort.” Isabelle Gambet-Drago complète : “Aujourd’hui, les adultes portent peut-être moins d’attention au corps de l’enfant. On l’occupe devant un écran, quand autrefois on lui donnait un morceau de pâte à modeler. Les parents d’aujourd’hui ont appris avec le toucher mais ils fabriquent une génération sans toucher.” Bref, entre écrans et mouvements, il faut trouver un juste équilibre.

Jeux et massages à faire ensemble pour être bien dans son corps de la tête aux pieds

Le jeu de la pizza

Pas d’idées pour masser ? Faites semblant de préparer une pizza : votre enfant est allongé sur le ventre (ou à genoux) et vous présente son dos (la pâte à pizza). Vous allez la pétrir, la malaxer… en commentant tous vos gestes : “J’étale bien la pâte (vous appuyez avec vos pouces) et je vais jusqu’aux bords (vous débordez sur les flancs), puis j’ajoute la sauce tomate (vous variez les gestes et les ingrédients), les olives, pic pic pic, etc.” Une fois que la pizza est cuite, il faut la couper (vous tracez des “parts” avec votre index). Puis vous inversez les rôles.

Les câlins enroulants

On prend l’enfant sur les genoux, ses épaules contre notre poitrine, sur un canapé, et on lui enserre les genoux de nos bras, pour qu’il forme comme une boule, que l’on peut balancer d’avant en arrière. Le bassin est bien rétroversé, c’est-à-dire en arrière, et le mouvement calme. Même travail du dos allongé sur un tapis. L’enfant peut alors attraper ses pieds comme un bébé et rouler d’avant en arrière, ou d’un côté et de l’autre, en se massant le bas du dos. Si les parents s’y mettent aussi, c’est le fou rire assuré !
“Bouger, c’est grandir dans sa tête”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, mars 2017 - Texte : Anne Bideault - Illustrations : Muzo.

Massages et modelages

On peut déjà apprendre à l’enfant à s’automasser : d’abord les orteils, un par un, puis on monte, etc. jusqu’à la tête. On peut bien sûr aussi masser l’enfant, mais il peut lui aussi vous masser : “Quand l’enfant masse la main de l’autre, note Isabelle Gambet-Drago, il utilise sa propre main, et ça lui est bénéfique aussi.” Les massages améliorent aussi l’habileté de l’enfant. Ses “maladresses” sont souvent dues au fait qu’il grandit plus vite qu’il n’intègre son schéma corporel.

Les super pouvoirs de la main

On peut avoir l’impression que le toucher s’en tient à la surface des choses. Est-ce bien vrai ? Pour le vérifier, faites ce jeu. Choisissez quelques objets divers : un fruit ou un gros légume type courge, un objet en bois, un tissu… Les yeux bandés, faites toucher l’objet à votre enfant. Rien qu’en un contact, il pourra évaluer sa température et sa texture. S’il en suit les contours, cela l’informe sur sa forme et sa taille. S’il le soulève, il pourra dire si c’est lourd ou léger. Et s’il le presse, il vérifiera si c’est dur ou mou. Après ça, il paraît évident qu’une tablette “tactile” ne sollicite qu’une infime partie du toucher. Sans compter que le mouvement de l’index sur un écran est très minime par rapport à l’amplitude des bras humains.
“Bouger, c’est grandir dans sa tête”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, mars 2017 - Texte : Anne Bideault - Illustrations : Muzo.

Dedans /dehors

On s’assoit ou on s’allonge. On reste silencieux un petit moment. Puis on raconte ce qui s’est passé, ce que l’on ressent. L’enfant va peut-être évoquer ce qui se passe à l’extérieur de lui (“j’ai entendu un bruit”, “quelque chose me grattait”…), ou à l’intérieur de lui (“mon ventre grossit puis il diminue”, “j’ai froid”, “j’ai pensé à…”)… À nous de l’amener, grâce à nos questions, à prendre conscience d’autres choses. C’est un jeu que l’on peut faire à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur. En cette saison, on peut en particulier très facilement sentir que l’air que l’on inspire est froid, mais que lorsqu’on l’expire, il s’est réchauffé. Et si on s’allonge dans la neige, on sent dans son dos le froid du sol et sur son ventre la chaleur du corps. Il suffit d’y être attentif !
“Bouger, c’est grandir dans sa tête”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, mars 2017 - Texte : Anne Bideault - Illustrations : Muzo.

Conseil pratique : faites la chasse aux jambes pendantes !

“Bouger, c’est grandir dans sa tête”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, mars 2017 - Texte : Anne Bideault - Illustrations : Muzo.Avez-vous déjà essayé de déjeuner assis sur un haut tabouret sans pouvoir poser vos pieds sur un barreau ? C’est extrêmement désagréable. Et c’est pourtant ce que l’on impose très souvent à nos enfants, à la maison et à l’école. Jambes pendantes, le bassin bascule vers l’avant, le dos se creuse, mettant le corps et le cerveau sous tension : ils vivent une inconsciente sensation de chute, comme si l’on n’était jamais pleinement en sécurité. Physiologiquement, le corps produit de l’adrénaline (l’hormone du stress). Alors que lorsque le bassin peut être rétroversé, c’est-à-dire en bascule arrière, l’ocytocine (hormone du bien-être) prend le dessus, et le calme vient. En pratique, on peut déjà s’assurer qu’à la maison, les enfants disposent de sièges adaptés à leur taille, qui leur permettent de poser leurs pieds.

“Bouger, c’est grandir dans sa tête”,
extrait du supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, mars 2017 –
Texte : Anne Bideault – Illustrations : Muzo.

Le numéro de mars du magazine Pomme d’Api pour les 3-7 ans et son supplément pour les parents

Pour aller plus loin… : du yoga pour les petits !

100 % Yoga des petits - Bien dans son corps, bien dans sa tête d'Élisabeth Jouanne et Ilya Green, Bayard éditions.
45 enchaînements rassemblés selon des thématiques bien adaptées à chaque moment de la journée : “Rituels du matin”, “Réveiller ses sens”, “Au moment du coucher”… Une belle compilation de la rubrique “yoga” de Pomme d’Api dans un livre-chevalet accompagné d’un CD.

Bayam, la première expérience numérique pour les enfants

Bayam, la première expérience numérique pour les enfants

Bayam est bien plus qu’une application ! C’est une expérience unique de jeux et de découvertes, pour apprendre en s’amusant, sans publicité et en toute sécurité. Bayam, c’est des découvertes interactives, des jeux, des dessins animés, des histoires à écouter et des activités créatives. Des contenus sélectionnés âge par âge pour les enfants de 3 à 10 ans.

  • Des activités adaptées à l’âge de l’enfant. Des dessins animés, des découvertes interactives, des jeux et des activités créatives pour nourrir l’imaginaire et la curiosité des enfants, dès 3 ans. Tous les contenus sont conçus ou sélectionnés par les équipes Bayam et des spécialistes de l’enfance (auteurs, illustrateurs, orthophonistes…).
  • La découverte par le jeu. Selon son âge, votre enfant joue à être pompier, élève son dinosaure, part explorer le système solaire, se pose des questions avec Les petits philos, expérimente ou fait du yoga…

  • Les héros préférés des enfants sont dans Bayam : il retrouve ses héros avec les comptines et devinettes de Petit Ours Brun, les jeux de logique de SamSam, l’imaginaire et les blagues d’Ariol, les aventures de Polo, les puzzles de Zouk…

  • La créativité à l’honneur ! Dans Bayam votre enfant colorie, dessine, bricole, participe à des défis et s’amuse avec l’univers d’Hervé Tullet.
  • Des histoires à écouter. Votre enfant retrouve ses histoires préférées et enrichit son vocabulaire avec les podcasts de Pomme d’api, Les Belles histoires, des contes, de la méditation… L’écran noir permet une immersion dans l’audio.
  • Dans son espace personnel, il retrouve ses contenus favoris et ses créations. Avec la messagerie sécurisée Bayam, votre enfant partage ses créations Bayam avec ses proches et c’est vous qui personnalisez son carnet d’adresses.
  • Des surprises ! Chaque semaine, Bayam propose de nouvelles découvertes, séries animées, jeux ou ateliers âge par âge. Vous pouvez vous tenir informé en vous abonnant aux lettres d’information de Bayam.
  • Une expérience 100 % confiance :

– Aucune publicité : en abonnant votre enfant à Bayam, vous lui offrez une première expérience numérique sécurisée, sans aucune publicité.
– Une interface sécurisée : Bayam est une application que l’on télécharge sur son smartphone, sa tablette ou son ordinateur. L’enfant n’est jamais directement sur Internet.
– Contrôle parental : les parents configurent le profil de leur enfant avec sa date de naissance, la garantie d’un contenu adapté à son âge. Ils peuvent paramétrer le chronomètre pour gérer le temps d’écran.

Bayam regroupe les productions numériques de Bayard et Milan Jeunesse, créateur pour enfants et leader en presse, édition et audiovisuel.

Disponible sur Mac, PC, iOS et Android pour 4,99 € par mois

Découvrez Bayam, l’application pour les 3/10 ans

Le monde secret des enfants - Illustration : Pascal Lemaître

Le monde intérieur des enfants

Pour démarrer l’année et s’émerveiller encore et toujours de la richesse de nos enfants, nous avons souhaité nous laisser guider par la psychologue Sevim Riedinger. Elle a écrit – il y a 3 ans – Le monde secret de l’enfant, un livre qui nous a beaucoup touchés. L’auteur nous raconte comment nos enfants nous (ré-)ouvrent une porte vers la dimension sacrée de l’existence.
“Le monde intérieur des enfants”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, janvier 2017. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

En quoi l’enfant a-t-il été votre “maître”, comme vous l’écrivez ?

Sevim Riedinger : “Les enfants m’ont appris que la vie, c’est surtout ce que l’on en fait. Leur capacité à s’émerveiller et s’étonner du monde qui les entoure a ravivé en moi, à ma grande surprise, cette part restée longtemps dans l’ombre, aux confins de ma propre enfance : l’expérience intime de me sentir reliée au mystère du monde. Regardez un enfant devant un arbre, un ciel étoilé, un lever du soleil, ou devant un simple escargot… Il s’émerveille : quelque chose le dépasse et il le sent à l’intérieur de lui. J’y lis sa capacité spontanée à s’ouvrir à la dimension sacrée de l’existence. J’utilise le terme “sacré” sans y mettre forcément une connotation religieuse : pour moi, la spiritualité, c’est l’étonnement devant ce qui est. Le sacré, c’est une expérience émotionnelle, sensitive, qui ne se prouve pas mais s’éprouve dans l’intimité de chacun. Et l’enfant fait spontanément cette expérience, mais on n’y prête pas assez attention.”  “Le monde intérieur des enfants”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, janvier 2017. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Avons-nous perdu notre capacité à nous émerveiller ?

“Nous avons tous cette capacité, mais elle est enfouie, recouverte. Dès que le développement de nos facultés intellectuelles se met en marche, aux alentours de six ans, on commence à perdre cette intuition d’être profondément reliés à quelque chose qui nous dépasse. Un petit me disait d’ailleurs avec une conscience extraordinaire : “J’ai perdu ma poussière d’or”. Mais l’enfant peut nous servir de guide pour renouer avec ça. Il suffit de l’accompagner, de respecter son regard sur le monde. Combien de fois l’enfant pointe du doigt une fleur, un nuage… et on passe à côté. Faisant cela, on l’habitue à passer à côté. Mais si l’on s’arrête quelques instants à côté de l’enfant, il devient notre maître, il nous ouvre à ce qui est en nous, il réintroduit cette dimension essentielle dans notre vie. Allez dans un parc, tenez-vous au pied d’un arbre avec un enfant. C’est extraordinaire. Il est là, émerveillé. Il s’émerveille devant ce qui le dépasse, devant le mystère de la vie.”

Garder ou retrouver une âme d’enfant, c’est possible ?

“Oui ! Notre enfant intérieur, c’est la partie la plus sensible de nous-mêmes, celle qui est justement ouverte au mystère de la vie. Elle est enfouie, mais elle est là. Je pense qu’il y a en chacun de nous un espace intact qui n’a pas été contaminé par les douleurs, les chocs de la vie. Et l’enfant peut nous servir de guide, parce qu’il est directement relié à cette dimension. Et pour l’entretenir chez lui, il faut l’accompagner, sinon cela se ferme en lui. En étant à ses côtés, en suivant son regard sur ce qui l’entoure, on donne à l’enfant la confiance en ce qu’il ressent, on légitime son ressenti.”
“Le monde intérieur des enfants”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, janvier 2017. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

En quoi est-ce important d’accompagner cet émerveillement ?

“C’est vital ! S’émerveiller et toucher au sacré de l’existence est vital pour la croissance de l’enfant, pour son développement psychomoteur. Ce lien à l’émerveillement amplifie son élan de vie. Quand cette part-là n’est pas assez nourrie ou respectée, l’enfant court le risque d’être complètement à l’extérieur de lui-même, donc d’être plus atteint par les difficultés de la vie, plus influençable. Il ne sait pas qui il est, il n’est plus ancré en lui.”

Quelles sont les portes d’entrée vers la vie intérieure ?

marguerite “Je pense que la poésie, le rêve et l’imaginaire sont un contrepoint magistral face au rationalisme qui veut tout maîtriser. On comble aujourd’hui beaucoup plus les besoins matériels de l’enfant que ses besoins de spiritualité : il a besoin de poser des questions essentielles, d’explorer son imaginaire, de rêver, de jouer. Il est primordial de redonner de l’importance à l’imagination, qui est vitale pour la construction de la pensée. Aujourd’hui, l’enfant reçoit en boucle des images toutes faites. Mais pour nourrir son imaginaire, ce n’est pas de ces images-là dont il a besoin. Il a besoin de paraboles, de récits, de mythes… Il faut aussi laisser jouer librement les enfants. À la maîtresse, au papa et à la maman, aux figurines… L’enfant a besoin de rejouer sa réalité pour pouvoir en devenir acteur : la petite poupée va elle aussi être gardée par la baby-sitter, le Playmobil se disputera avec un copain ou sera repris par la maîtresse. Mais pour que ces jeux éclosent, il faut à l’enfant de l’espace et du temps, ne serait-ce qu’une demi-heure par jour. Il peut alors savourer en toute liberté son espace à lui, hors des contraintes. Même s’il s’ennuie ! L’ennui à petites doses le pousse à la créativité et l’ouvre à sa vie intérieure.”

Qu’est-ce qui nous éloigne de notre monde secret ?

“La chose qui nous est le plus difficile aujourd’hui, c’est d’être attentif au moment présent, de vivre dans l’ici et le maintenant. En grec ancien, il y a deux mots pour dire le temps : “chronos” et “kairos”. “Chronos”, c’est le temps qui défile, le temps qui nous dévore. Et “kairos”, c’est le temps que l’on prend pour devenir soi, pour être vivant, c’est le temps de l’essentiel. Je crois qu’il nous manque cela : on n’a pas le temps et on n’est plus à l’écoute de nous-mêmes. L’enfant, par sa présence, ses questions, son regard, est un rappel.

Une maman me confiait : “Je ne suis jamais là où il faudrait que je sois !” Oui, la tête pleine de ce qu’il y a à faire, nous sommes projetés dans ce qui va se passer après ou ce qu’il s’est passé avant, mais pas dans l’instant présent. Nous entraînons l’enfant dans cette course permanente et dans un tourbillon de sollicitations : les écrans, les informations ultrarapides, l’emploi du temps, les activités… Courir par ci, courir par là, il a la tête qui tourne ! Il n’y a qu’à voir la recrudescence des troubles de la concentration et de l’attention. Entendons-nous bien : on n’a pas besoin d’être toujours à l’écoute de nos enfants. Quelques minutes par jour de pleine disponibilité, ça lui suffit. Quelques minutes où on est vraiment là où la vie nous pose, avec l’enfant, c’est essentiel. S’arrêter sur lui, sans laisser fuir notre regard sur le téléphone portable ou dans nos pensées, car alors, l’enfant ne se sent plus exister. Il faut au contraire essayer, même si c’est difficile, d’arrêter l’agitation en nous et de lui donner vraiment de notre temps. Plus rien ne se passe alors que ce lien avec l’enfant et avec le moment présent, ce sont des moments d’éternité.”  “Le monde intérieur des enfants”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, janvier 2017. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.

Comment prendre soin de la vie intérieure de l’enfant… et de la nôtre par ricochet ?

Cela nécessite un peu d’exercice, mais on peut procéder par petites touches, quelques instants par jour.

– Faire silence : je propose souvent aux parents de faire quelques minutes de silence avec leurs enfants. Au début, les enfants rient et s’écrient : “Il ne se passe rien dans le silence !” Puis ils se taisent. On peut ensuite leur demander : “Qu’est-ce qui est venu en toi lorsque tu as fait silence ?” Ils aiment ça, et leurs parents aussi !

– Être simplement là : il est bon aussi de prendre le temps de ne rien faire, de rêver, y compris ensemble.

– Réintroduire des rituels : les enfants s’assoient en cercle, avec une petite bougie au milieu. Le silence se fait. Puis un petit bâton circule et celui qui prend le bâton a droit à la parole. Avec des petits, moins de 10 minutes suffisent.

– Lire la mythologie : je conseille beaucoup de lire les grands mythes, qui sont d’une poésie extraordinaire. La mythologie grecque, les grands récits de l’Ancien Testament… c’est magnifique. Ils introduisent l’enfant à une autre réalité, une réalité fantasmée, et cela le place dans l’ordre cosmique universel. Il en existe des versions bien adaptées aux petits lecteurs…

La sélection de la rédaction“Le monde intérieur des enfants”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, janvier 2017. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.
Raconte-moi la Bible, de Martine Laffon, livre avec 2 CD audio lus par Jacques Gamblin, éditions Bayard Jeunesse.

Les Belles Histoires de la Bible, de Marie-Hélène Delval et Ulises Wensell, Bayard Jeunesse.

Le feuilleton d’Hermès, la mythologie grecque en 100 épisodes, de Murielle Szac, Bayard Jeunesse.

“Le monde intérieur des enfants”,supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, janvier 2017.
Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.
Problèmes de sommeil : comment aider votre enfant à bien dormir ?

Problèmes de sommeil : comment aider votre enfant à bien dormir ?

Pour beaucoup d’enfants, dans beaucoup de familles, le moment du coucher est compliqué et les problèmes de sommeil assez fréquents… comme en témoigne cet article publié dans le magazine Pomme d’Api. Que faire pour que cela se passe mieux ? Et quels sont les bons gestes pour faciliter l’endormissement de votre enfant ?

« J’ai tout essayé ! »

Je vais être honnête avec vous : je me demande bien pourquoi Pomme d’Api m’a demandé d’écrire cet article sur le coucher. Car en matière d’éducation, s’il y a bien une chose dans laquelle je n’ai pas brillé par mon savoir-faire, c’est le coucher. Je me rassure en faisant le tour de la rédaction du magazine : aucun collègue ne pavoise en s’exclamant : « Jamais le moindre souci chez moi : hop au lit, et c’est fini ! » Je me sens moins seule aussi à la lecture des réponses à notre appel à témoins sur la page Facebook de Pomme d’Api. Bref, comme la plupart des jeunes parents, j’ai tout essayé :

    • m’allonger par terre à côté de son lit (très inconfortable !),
    • mettre le mauvais dormeur avec sa grande sœur (« Il m’empêche de dormiiiir ! »),
    • passer des heures dans le noir à lui chanter des comptines (et mon dîner ?),
    • le prendre dans le lit parental (qu’est-ce qu’il gigote !),
    • ressortir le lit à barreaux (pas si mal, d’ailleurs),
    • faire appel à la baby-sitter (mais pourquoi ça marche avec elle ?… Et que ça fait du bien d’aller au ciné !)
    • être un modèle de patience (« Un verre d’eau ? J’arrive ! Un troisième pipi ? J’arrive ! Un huitième câlin ? Je suis là ! »)
    • faire preuve de fermeté (« J’en ai ras-le-bol, t’as qu’à pleurer ! »),
    • baisser les bras (« Il est 23 heures et tu veux lire ? Mais lis donc ! »)

L’avis de spécialistes du sommeil

Rien que de très classique, note Marie-Josèphe Challamel, pédiatre et spécialiste du sommeil : « Entre 30 et 50 % des enfants de moins de 5 ans ont, ou ont eu, des difficultés de sommeil pendant au moins trois mois. » Un mal répandu, mais préoccupant, car une “privation chronique de sommeil” retentit sur la capacité de concentration et donc d’apprentissage, mais aussi sur le comportement (agitation, agressivité). Le risque de tomber malade s’accroît, tout autant que celui d’être sujet au surpoids. À titre de repère, même si des différences entre les individus sont notoires, la spécialiste estime qu’aux alentours de 5 ans, un enfant a besoin d’au moins onze heures de sommeil par jour (sieste et nuit cumulées) et devrait être couché le soir avant 20h30. Des études ont montré que ces dernières décennies, les enfants ont perdu en moyenne deux heures de sommeil par jour, essentiellement à cause d’un retard de l’heure habituelle du coucher.

Allez au lit ! Enquête au pays du sommeil, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, octobre 2016. Texte : Anne Bideault, illustrations : Muzo.
Que fait-on quand on n’y arrive pas, et qu’on a juste l’impression qu’on est de mauvais parents ? « Les difficultés de sommeil sont généralement bénignes : 60 % d’entre elles ont des causes environnementales », explique Marie-Josèphe Challamel. Par cause environnementale, elle entend : l’ambiance générale, les gestes et les actions qui accompagnent ce moment, et tout particulièrement le fait que l’enfant “soit devenu dépendant de ses parents pour s’endormir.”

Anna Pinelli est sage-femme et coordinatrice petite enfance d’une commune de l’Ain. Elle fait aussi – depuis plus de 30 ans – de l’accompagnement à la parentalité. Des parents, souvent à bout de nerfs, l’appellent de toute la France pour la consulter pour des problèmes d’endormissement de leurs bébés ou leurs jeunes enfants. Son mot d’ordre : « Pas de panique, vous allez y arriver. » Une fois qu’elle s’est fait décrire le contexte, les habitudes, les façons de faire, elle livre à ces parents certaines connaissances physiologiques et psychologiques sur le sommeil infantile : « En dédramatisant, avec de la patience et de la présence, tout doucement, ces parents peuvent réussir à déconditionner leur enfant de mauvaises habitudes d’endormissement. »

Allez au lit ! Enquête au pays du sommeil, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, octobre 2016. Texte : Anne Bideault, illustrations : Muzo.
Pour estimer si votre enfant manque de sommeil, observez-le en fin de journée. Un enfant qui dort suffisamment est d’ordinaire calme, peu colérique, il n’est ni agité ni agressif. Sachez repérer l’entrée en gare du train du sommeil. Les signes d’endormissement sont la plupart du temps silencieux : on se frotte les yeux, le nez, on s’isole… Si on loupe ce train, l’enfant pleure, ne sait plus ce qu’il veut. Et on va souvent lire ses pleurs comme le refus d’aller dormir. « Chez les bébés et les très jeunes enfants, la phase d’endormissement est agitée. Or, note Anna Pinelli, les adultes ont tendance à voir dans cette agitation un refus de dormir. Cela les entraîne parfois à ne pas les coucher, ou à les relever pour les prendre dans leur bras. »

Les bons gestes pour un coucher en douceur

      • Veiller à ce que le rythme veille/sommeil soit régulier : adopter une heure du coucher fixe, ne pas changer radicalement le rythme entre semaine et week-end, entre chez Papa et chez Maman, dans le cas d’une garde alternée.
      • Durant l’heure qui précède le coucher, l’enfant ne devrait pas être exposé aux écrans. La relation entre le temps d’exposition aux écrans et la diminution du temps de sommeil a été prouvée.
      • La température corporelle influence aussi l’endormissement : plus elle est élevée, moins on s’endort. Mieux vaut donc enchaîner dîner et dodo, sans temps de jeu ou d’activités physiques – trop excitants.

Allez au lit ! Enquête au pays du sommeil, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, octobre 2016. Texte : Anne Bideault, illustrations : Muzo.

      • Les enfants sont aujourd’hui très stimulés par la vue – à tel point qu’ils ont parfois du mal à fermer les yeux. Or les ondes alpha, qui contribuent au sommeil, ne se libèrent qu’une fois les paupières fermées. Poser un doudou léger sur les yeux (sans boucher le nez !) peut aider.
      • Très tôt, il est important que les enfants s’habituent à dormir dans le noir ou dans une chambre très peu éclairée. La sécrétion de mélatonine, qui joue un rôle important dans le déclenchement du sommeil et son maintien, est bloquée par la lumière (en particulier par celle des LED et leur lumière bleue).
      • Créer une ambiance calme : dans sa chambre, bien sûr, mais aussi dans le reste de la maison. Normal qu’il ne veuille pas rester au lit si ses parents sont en train de regarder un match de foot, si sa grande sœur joue à un jeu vidéo ou écoute de la musique fort.

Allez au lit ! Enquête au pays du sommeil, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, octobre 2016. Texte : Anne Bideault, illustrations : Muzo.

      • Instaurer un rituel : les enfants pour lesquels les parents prennent le temps de répéter tous les soirs un rituel (court) s’endorment mieux. Ça aussi, c’est prouvé !
      • Prévenir de ce qui va se passer et… ne pas lâcher : « Je vais te lire deux histoires, et après, je sortirai de ta chambre. » Lorsqu’il est prévenu, l’enfant accepte mieux la règle. Lors de la lecture de l’histoire du soir, autant que l’enfant soit déjà allongé dans son lit : une fois l’histoire finie, il n’y aura pas de déplacement à faire.

Et les sirops ?
On a parfois la tentation de faire usage de sirops pour aider à l’endormissement. Marie-Josèphe Challamel déconseille « de répondre à un problème de sommeil par un médicament », fut-il “de plantes”. Dans un pays comme la France, plus gros consommateur de somnifères d’Europe, ce serait induire une habitude peu souhaitable. Et laisser entendre à son enfant qu’à toute difficulté répond une potion.

Et la sieste ?
Nombreux sont les enfants de moins de 6 ans pour lesquels une sieste serait bénéfique. Toutefois, une sieste trop tardive et trop longue (au-delà de 16 heures) retarde l’endormissement du soir. Mieux vaut donc la leur faire faire en tout début d’après-midi (comme cela se pratique d’ailleurs à l’école maternelle).

“Allez au lit ! Enquête au pays du sommeil, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, octobre 2016. Texte : Anne Bideault, illustrations : Muzo.
Et les histoires qui font peur ?
Les parents hésitent souvent à lire le soir des histoires qui font peur, même quand leurs enfants les leur réclament. Or la peur est déjà là, ce n’est pas l’histoire qui la suscite. Elle ne fait que mettre des mots sur des terreurs* que l’enfant éprouve déjà, et ça l’aide. Quand un enfant choisit de façon systématique ce type d’histoires, c’est qu’il en est à ce stade (pour aller plus loin, lire l’article « J’ai peur des cauchemars », publié sur PommedApi.com).

Si de grosses difficultés d’endormissement perdurent, votre généraliste, ou votre pédiatre, pourra vous orienter vers une consultation dans un Centre du sommeil pour enfant. Il en existe hélas trop peu en France. Les adresses sont disponibles sur le site Sommeilsante.asso.fr

Le sommeil selon l’âge

Aux alentours de 2 ans
L’enfant, qui traverse la phase dite “d’Œdipe”, se rend compte que son père et sa mère dorment dans le même lit. Normal qu’il ait envie, lui aussi, de dormir avec quelqu’un, et réclame donc la présence d’un de ses parents. Mais on n’est pas obligé d’accéder à ce désir !

À partir de 3-4 ans
“Allez au lit ! Enquête au pays du sommeil, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api, octobre 2016. Texte : Anne Bideault, illustrations : Muzo.
L’enfant commence à intégrer l’angoisse et la peur. S’il ne comprend pas intellectuellement ce que c’est que la mort, il saisit que c’est quelque chose d’effroyable. Inconsciemment, il se dit : « Je suis seul dans mon lit, c’est la nuit. À mon réveil, est-ce que mes parents seront toujours là ? » Ces angoisses surgissent de façon d’autant plus nette si la mort s’est invitée dans son quotidien (que ce soit par la disparition d’un proche, bien sûr, mais aussi la mort d’un animal de compagnie, la vision d’un oiseau mort…). Ces disparitions peuvent avoir un fort impact sur son sommeil.

À partir de 6-7 ans
C’est plus tranquille… jusqu’à l’adolescence et ses hormones !

Pour aller plus loin

Marie-Josèphe Challamel et Anna Pinelli sont engagées dans un travail d’information du public et de formation des professionnels au sein de Prosom, l’association nationale de promotion des connaissances sur le sommeil.

À lire : Le sommeil, le rêve et l’enfant, de Marie Thirion et Marie-Josèphe Challamel, Albin Michel, nouvelle édition 2011.

Allez au lit ! Enquête au pays du sommeil, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, octobre 2016. Texte : Anne Bideault, illustrations : Muzo.
Comment parler de la mort avec les enfants

Comment parler de la mort avec les enfants ?

À l’âge de l’école maternelle, les enfants posent beaucoup de questions. Celles qui portent sur la mort peuvent parfois nous désarmer et nous gêner. Comment répondre à leur curiosité naturelle ? Comment leur parler de quelque chose qui nous angoisse, peut-être, nous aussi ? La rédaction du magazine Pomme d’Api a pris conseil auprès de Claire Pinet, psychologue spécialisée dans le deuil et les soins palliatifs, pour nous y aider.

« Et toi, Maman, tu vas bientôt mourir ? »

La voix claire de Lise, 4 ans, a fait taire la discussion animée des adultes. Sa question a de quoi laisser sans voix, tant nous sommes tentés de mener notre vie tambour battant, en occultant le fait que cette vie a pour condition la mort. Pourtant, il ne faut pas reculer. Et répondre, le plus simplement possible, à la petite fille. Cette obligation de parole vaut pour toutes les questions qui surgissent spontanément et – a fortiori – pour celles qui sont suscitées par une expérience réelle de deuil. Éluder cette curiosité, la rabrouer parce qu’elle nous gêne, ou la minimiser parce que nous voulons “protéger” les enfants, “c’est toxique”, insiste Claire Pinet, pour qui le silence est un traumatisme supplémentaire : « La seule chose qui peut faire du mal à un enfant, c’est de ne pas lui parler ou de lui parler faux. » Car l’enfant imaginera toujours pire que la réalité et pourra par ailleurs déduire du silence des adultes que c’est lui le responsable de ce qui se passe.

oiseau mouchoirSans pour autant devancer leurs interrogations, il ne faut donc pas laisser échapper une occasion d’aborder ce sujet. On peut profiter d’une question, d’une observation (un insecte mort, un oisillon…), de l’irruption de l’actualité dans le quotidien (la radio entendue, le journal télévisé entrevu…), de la mort de personnages fictifs dans un jeu ou une BD. « La mort est omniprésente dans notre société, constate Claire Pinet, mais on n’en parle jamais. Cette condition humaine n’est pas formulée alors qu’elle devrait l’être. » Pour les êtres de parole que nous sommes, parler soulage. C’est le constat qu’a pu faire Myriam, professeure des écoles en CP, dont les élèves ont récemment préféré poursuivre leur discussion sur la mort au lieu d’aller en récréation : « Ils n’avaient pas vraiment de questions mais plus le besoin de raconter la mort, les morts… Un petit a conclu que c’était triste de parler de tout ça mais que ça faisait du bien de le faire parce qu’ils n’osaient pas toujours parler de la mort à leurs parents. » Les questions que posent les enfants évoluent avec l’âge et leur représentation de la mort s’acquiert au fil du temps. Nous avons choisi de nous arrêter sur cinq questions qui illustrent leurs représentations de la mort, à l’âge Pomme d’Api.

« Et les racines des arbres, ça gêne Papi, au cimetière ? »

« Que se passe-t-il entre la mort et le squelette ? », « Est-ce qu’on lui mettra d’autres habits quand ils seront fichus ? »… Les questions des plus jeunes nous troublent, tant elles sont concrètes et nous renvoient à une réalité qui nous est désagréable : ils s’intéressent au cycle de la vie, aux petites bêtes, à la putréfaction. « Les petits parlent très facilement de la mort, c’est comme une évidence pour eux : on peut être malade, on peut être mort », constate Claire Pinet, qui se souvient avoir observé des enfants jouer sur le lit de mort de leur grand-père peu après que celui-ci a été mis en bière. « Il ne faut pas les détourner de cette simplicité. » De cette différence d’appréhension naissent des malentendus : l’adulte peut y lire une absence d’émotion et de chagrin. Pourtant, cela ne veut pas dire que l’enfant ne vit pas un deuil. Il est primordial de lui permettre de s’exprimer en acceptant sa façon de le faire qui est conditionnée par la représentation qu’il a, à ce moment-là, de la mort.
oiseau boite

« Quand est-ce qu’elle a fini d’être morte, Mamie ?  »

Pour les plus petits, on meurt, mais on renaît après : les expressions “plus jamais” et “pour toujours” n’ont pas encore de sens pour eux, qui voient le temps comme un cycle. « Ils ne sont pas encore gagnés par la peur, explique Claire Pinet, car ils n’ont pas intégré le caractère définitif de la mort. » Cela ne se fera que bien plus tard, vers 9-10 ans. La compréhension intime du fait que l’on est soi-même mortel survient plus tardivement encore, à l’adolescence. Les expériences vécues par la famille comptent beaucoup. S’il y a eu des décès dans l’entourage de l’enfant, s’il a été confronté à la mort d’animaux, si ses parents en parlent sans gêne, il intègrera plus naturellement la finitude comme réalité de l’existence.
oiseau fleur

« C’est obligé de mourir ?  »

Selon leur âge et leur vécu, certains enfants posent cette question sur le même ton que « Pourquoi le ciel est bleu ? », quand d’autres la prononcent avec une immense révolte. Car la réponse à cette interrogation existentielle se solde par le deuil de la toute-puissance dans laquelle vivent tous les petits enfants. « À quelle heure je vais mourir ? » s’énerve Julia, comme pour conserver au moins une certitude, même minime. Il faut donc expliquer et répéter : « On meurt parce que c’est prévu comme ça. Tout ce qui est vivant mourra un jour. Contre cela, on ne peut rien. » D’autres attitudes peuvent contribuer à l’acceptation progressive de ce principe de réalité. Ainsi lorsque l’enfant fait l’expérience qu’il ne peut pas être à deux endroits différents au même moment, qu’il ne peut pas tout avoir, il intègre la notion de limite.
Cependant, si l’on constate que l’enfant continue de croire que les morts vivront à nouveau, ce n’est pas nécessaire d’insister : « C’est le signe qu’il n’a pas encore la maturité pour comprendre, et ce n’est pas grave. » Certains vont beaucoup jouer à la mort avec leurs figurines ou dans leurs jeux de rôles, comme pour renouer avec leur toute-puissance et exorciser celle de la mort : quand je joue, c’est moi qui décide !

« Quand je serai grande, tu seras morte ? »

La première réaction d’un enfant face à la mort d’un proche, c’est la peur de l’abandon. Avant même le chagrin. Il est donc normal qu’il se questionne sur la mort de ses parents, ou fasse le souhait “qu’on meure tous ensemble”. Pour le parent questionné, quel choc ! Claire Pinet conseille de laisser entendre, dans notre réponse, que les générations cèdent la place aux plus jeunes, tout en prenant garde à ne pas gâcher “l’aujourd’hui de la vie” à la perspective de ce qui arrivera un jour. On peut donc dire, en substance : « Il y a des chances pour que je meure avant toi, et c’est ce que je souhaite. C’est toi alors qui pourra aider le monde et la société, par ton travail, par ce que tu feras. Mais pour l’instant, je suis bien en vie, et j’ai envie de faire encore beaucoup de choses avec toi. »

Cette question montre aussi que l’enfant a compris l’ordre des choses : normalement, les plus âgés meurent avant les plus jeunes. Lorsque l’inverse se produit, dans le cas du décès d’un nourrisson, d’un enfant, d’un jeune, l’enfant s’indigne, comme les adultes : « C’est pas juste ! Il ne devait pas mourir ! » Que dire, sinon avouer son désarroi ? « Je n’ai pas de réponse. Il est mort très jeune, et c’est le contraire de ce qui devrait se passer. Les choses ne se passent pas toujours comme on le prévoyait, et tout cela nous dépasse. »
oiseau lune

« On va où, quand on est mort ? »

Voilà bien une question à laquelle personne ne peut répondre avec certitude. Autant le dire ! « Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas qu’on ne doit pas parler », insiste Claire Pinet. Il faut donc avouer que sur ce qui se passe après la mort, personne ne sait exactement. On peut expliquer que les gens ont des croyances et des opinions différentes sur ce point, avant de donner son propre point de vue : « Moi, je pense que… Toi, petit à petit, tu te feras ta propre idée. » Hélène, interrogée par son fils de 4 ans sur “l’après”, se souvient lui avoir donné « une des pires réponses pour un enfant : je lui ai dit qu’à mon avis on n’allait nulle part. » Confirmation de Claire Pinet : « Dire qu’après la mort, il n’y a rien, c’est très angoissant. » Elle conseille aux non-croyants d’insister sur le fait que la mort n’est pas la fin de la relation, mais sa transformation, en disant par exemple : « Même quand on est séparé par la mort, on peut encore s’aimer très fort. Ta grand-mère reste ta grand-mère, même maintenant, et tout ce que vous avez vécu de beau et de grand continue d’exister. »

Que faire, que dire… si un proche meurt ?

Quand ça arrive “en vrai”, il faut en informer l’enfant, sans délai, et en utilisant des mots sans ambiguïté : “il est mort”, plutôt que “il est parti” ou “il nous a quittés”. Il importe aussi de “valider l’émotion de l’enfant”, même s’il ne dit rien, même s’il ne laisse rien transparaître, en mettant des mots : « Tu aimes beaucoup ton grand-père, tu es triste qu’il soit mort. Tu vois que les adultes sont tristes : ça donne du chagrin de se séparer de quelqu’un qu’on aime. » Les adultes n’ont pas à s’interdire de pleurer devant leurs enfants, même si ceux-ci en sont impressionnés : « Protéger l’enfant en retenant ses larmes, insiste Claire Pinet, c’est une aberration : chacun se mure dans un deuil qui ne s’exprime pas, qui ne se partage pas, donc ne se fait pas. »
Nous sommes nombreux à hésiter à laisser un enfant assister à des funérailles. Pourtant, la cérémonie, qui marque la séparation effective entre les vivants et les morts, joue un rôle essentiel dans l’entrée dans le deuil : elle permet de constater que la mort n’est pas abstraite, imaginaire. Y participer, c’est vivre une douleur constructive. Il est important que les enfants aient à agir pour accompagner ce départ : faire des dessins, choisir un objet… On peut aussi proposer (mais pas imposer) à l’enfant de voir le corps du défunt pour lui dire au revoir. Il faut prendre soin de décrire la scène au préalable : « Le corps d’un mort ne bouge pas, ne respire pas. Le visage est pâle et tranquille, il est froid… » La plupart du temps, les enfants demandent à aller voir le corps. On peut leur faire confiance : en leur parlant, en leur donnant la possibilité d’exprimer ce qu’ils ressentent (au lieu de croire qu’on le sait à leur place), on décèlera ce dont ils ont besoin pour traverser cette épreuve, et cela permettra d’adapter notre aide.

Des livres pour parler de la mort avec les enfants

Claire Pinet : « Avec les enfants, je conseille de lire des albums plutôt que des livres explicatifs. Tout ce qui passe par le ressenti, les images, les symboles… a davantage de portée. Les acquis que permet la métaphore sont bien plus subtils. Il y a les grands classiques, comme L’arbre sans fin de Claude Ponti, ou La découverte de Petit-Bond de Max Velthuijs (L’École des Loisirs), ou Au revoir Blaireau de Susan Varley (Gallimard).

Voici aussi des albums moins connus, qui peuvent être lus sans commentaires, en laissant les questions venir s’il y en a. Un conseil : parcourez-les seul avant d’en faire la lecture à voix haute. »

  • Marie est partie, d’Isabelle Carrier, éd. Bilboquet.
    Quelques à-plats de couleur, quelques mots, un petit personnage, et la “grosse boule” de chagrin… Beaucoup de finesse pour aborder ce thème avec les plus jeunes. Dès 2 ans.
  • Capitaine Papy, de Benji Davies, éd. Milan.
    C’est une histoire de complicité et de tendresse, entre un grand-père et son petit-fils. Cet album qui peut être lu comme un récit d’aventures, parle de la mort sans le dire. Il raconte combien ceux que l’on aime restent proches, même quand ils partent très loin. Ce tour de force en fait un vrai coup de cœur.
  • L’ours et le chat sauvage, de Komako Sakaïet Kazumi Yumoto, éd. l’École des Loisirs.
    « Ce matin-là, l’ours pleurait. Son ami le petit oiseau était mort. » Et l’ours s’enfonce dans son chagrin. Jusqu’à ce qu’il croise le chat sauvage, qui écoute sa douleur et lui permet de reprendre pied dans la vie. Les illustrations, presque exclusivement en noir et blanc, sont d’une profondeur incroyable.
  • Il faut le dire aux abeilles, de Sylvie Neeman et Nicolette Humbert, éd. La Joie de lire.
    « Quand un apiculteur meurt, il faut le dire à ses abeilles. » Ainsi commence ce magnifique livre sur la mort. Doux et serein, illustré de photos, il met des mots sur les émotions, les sentiments. Un hymne à la vie. Dès 5 ans.
  • Albertus l’ours du grand large, de Laurence Gillot et Thibaut Rassat, éd. Milan.
    Sur l’Albertus, un bateau de marins au long cours, un doudou râpé et recousu de partout sème le trouble parmi l’équipage. À qui appartient donc cet ours en peluche rapiécé ? Une histoire qui évoque avec finesse le thème douloureux de la mort d’un enfant.
  • Pour les adultes : Parler de la mort, de Françoise Dolto, éd. Mercure de France.

Couverture du numéro de novembre 2016 du magazine Pomme d'Api ; couverture du supplément pour les parents “Parler de la mort avec les enfants” et du livret détachable “Pourquoi on meurt ?” à destination des enfants.
Couverture du numéro de novembre 2016 du magazine Pomme d’Api ; couverture du supplément pour les parents “Parler de la mort avec les enfants” accompagné d’un livret détachable “Pourquoi on meurt ?” à destination des 3-7 ans.

“Parler de la mort avec les enfants”, article paru dans le supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api, novembre 2016. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal Lemaître.
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