“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

À l’école de la nature

À l’École de la Forêt de Chantemerle (Charente), les enfants passent leurs journées dehors à escalader, bricoler ou “travailler” en forêt. Poussée par la curiosité, la journaliste de Pomme d’Api a passé une journée dans cette maternelle unique en France.

“Moi, je connais tout ! Je vais te montrer le chemin où il y a des noix, le potager, la prairie, la forêt !” Nathaël est tout excité : aujourd’hui, une journaliste vient visiter son école. Quel événement ! Il y a fort à parier que je ne serai pas la dernière, car l’école de Nathaël est unique en son genre en France. C’est une maternelle en forêt, dont les élèves passent la journée entière… dehors, par tous les temps. “Quoi ? Toute la journée dehors ?” C’est précisément l’étonnement opposé – “Quoi ? Toute la journée dedans ?” – qui a suscité la création de cette structure. Suivant l’exemple des pays du nord de l’Europe, où les jardins d’enfants et les écoles maternelles en forêt sont répandus (l’Allemagne en compte plus de 2000), de plus en plus d’éducateurs sont convaincus que la nature est l’outil pédagogique le plus adapté au jeune enfant. Y être immergé quotidiennement, quel que soit le temps, et y être libre de ses activités, permettrait l’acquisition d’une multitude de compétences (agilité, créativité, entraide, confiance en soi…) et rendrait les enfants d’emblée sensibles à la question environnementale

Un modèle unique en France

En France, les projets sont nombreux, mais seule l’École de la Forêt de Chantemerle, située à une quinzaine de kilomètres d’Angoulême, sur la commune de Marsac, a ouvert ses portes. Portes… façon de parler, car si l’établissement dispose bien d’un local pour le rassemblement du matin et la sieste des petits, les enfants évoluent essentiellement au grand air, dans un vaste domaine de 30 hectares.

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Ce matin-là, le ciel charentais est bleu, mais les sous-bois sont bien humides. La petite troupe s’équipe : chaussures de marche ou bottes, sursalopettes en plastique, sacs à dos. Les enfants sont âgés de 2 ans à 5 ans et demi, et – exception faite d’un lacet à nouer par-ci par-là – tous sont bien autonomes et partent vaillamment avec leur repas sur le dos. La mascotte de l’école, une jeune chienne sautillante, leur tourne autour. Nancy et Sophie, les deux “maîtresses”, aspergent d’anti-tiques les bas des jambes et les cheveux. La première est éducatrice de jeunes enfants, et la seconde, psychologue. Épaulées par un groupe de parents engagés dans le projet, elles sont parvenues à faire tomber les barrières administratives pour ouvrir cette maternelle alternative.
Nous partons enfin pour la forêt. Très vite, les bâtons ramassés sur le sentier se transforment en pelles, en épées, en chevaux…, au gré des imaginations. “Les premières semaines, les enfants s’éparpillaient en tous sens et nous passions nos journées à les compter”, se souvient Nancy. Depuis, les consignes de sécurité sont bien intégrées (on ne perd jamais le groupe de vue), et la crainte de perdre l’un d’entre eux a disparu. 

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Une liberté encadrée

“Mais ce n’est pas parce qu’on est dehors que c’est une grande récré !” souligne Sophie. Activités libres et activités encadrées alternent. Nous grimpons dans la forêt jusqu’à un endroit où sont disposées deux tables de bois taille enfant, une cahute qui abrite des toilettes sèches, un petit évier alimenté par un jerricane pour se laver les mains. Une grande bâche est tendue entre les arbres, en cas de pluie. C’est une des “salles de classe” aménagées dans le domaine. Elle sert aussi de “réfectoire” : c’est là que chacun déjeune de son repas tiré du sac. Conscientes que les enfants devront un jour s’adapter au système scolaire normal, les deux encadrantes s’efforcent aussi de suivre le programme officiel de la maternelle. Selon l’âge de chacun, elles ont préparé des fiches tout à fait classiques : jours de la semaine pour les uns, lignes verticales pour les autres… Les enfants sont ravis de sortir leurs trousses, et s’appliquent.

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Mais quand on les questionne sur leur école, ils racontent surtout ce qui fait sa spécificité : “On a nourri les arbres avec du crottin pour avoir des fruits. Le crottin, c’est du caca de cheval”, m’explique Éloys. “On a joué à la marchande”, raconte Romane. “J’aime chercher les œufs des poules”, confie Louna. “Au début, se souvient Sophie, certains enfants étaient craintifs avec les animaux et d’autres trop hardis.” Sophie et Nancy ont travaillé avec eux sur les émotions pour les aider à mieux exprimer leurs appréhensions, leurs besoins… Depuis la rentrée, elles les trouvent plus endurants, plus débrouillards, plus attentifs aux autres et à ce qui les entoure. Le jour du reportage, les plus grands n’auront passé que 45 minutes à l’intérieur. Les plus jeunes n’ont pas rechigné à s’allonger pour la sieste dans la salle, obscurcie par des rideaux. Après une demi-journée au grand air, j’aurais bien fait comme eux !

L’École de la Forêt de Chantemerle est une école privée hors contrat, sous statut associatif (Chemin de Chantemerle, 16570 Marsac).

La nature en pages : 2 albums et 2 guides

Petits riens, grande nature, Géraldine Collet, Kerascoët, Albin Michel Jeunesse, 11,90 €.
Petit escargot, grand ami ; gros pissenlit, petite magie… Une très jolie évocation du regard de l’enfance sur les merveilles de la nature.

Parler avec les arbres, Sara Donati, Le Rouergue, 15,90 €.
“J’ai d’abord pensé qu’il fallait le saluer, alors j’ai dit : “Salut !” Entre le narrateur et l’arbre, une relation se tisse. Un album original, qui nous fera désormais regarder les arbres comme des personnes.

Cherchez la petite bête, Alain Boudet, Solenn Larnicol, Rue du Monde, 16 €.
Tout savoir sur 40 petites bêtes que l’on rencontre sur nos chemins. Taille, habitat, particularités et… un poème ! De magnifiques aquarelles pour ce guide naturaliste poétique.

Mon cahier des 4 saisons, François Lasserre, Isabelle Simler, Nathan, collection Colibris, 11,90 €.
Classés par saison, les oiseaux, les insectes, les mammifères et les plantes que l’on peut facilement observer dans la nature. En bonus : 80 petites cartes à détacher et à emporter sur le terrain.

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Petites activités au grand air

Emmenons nos enfants dans la nature et laissons-les ramasser, cueillir, arracher, montrer, toucher, grimper… en nous retenant de leur dire à tout bout de champ : “Attention, tu vas te faire mal !” ou “Touche pas, c’est sale !” Voici quelques idées à piocher pour transformer vos balades au grand air en épopées extraordinaires.

Petits conseils Pour ouvrir les yeux de vos enfants (et les vôtres !)

Partez avec une loupe, le nez au sol. Elle pourra raviver l’intérêt de votre progéniture, si celui-ci faiblit. Grâce à elle, une plaque de mousse, un vieux tronc d’arbre, une flaque d’eau… révéleront les secrets d’une vie invisible à l’œil nu.
Maintenant, levez la tête, et repérez les arbres “amoureux” : ceux qui s’entrelacent, s’enroulent, s’éloignent puis se rejoignent, ne font qu’un. Ils sont plus nombreux qu’on le croit !
L’escargot plaît aux petits. Attirez leur attention sur les spirales qui se dessinent sur les coquilles : elles sont toutes différentes ! Parfois, la coquille présente une boursouflure, une rugosité particulière : c’est une cicatrice. L’escargot est capable de faire lui-même de petites réparations sur sa coquille !

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Explorer la forêt avec tous ses sens

Le foulard est un bon accessoire. Bandez les yeux de votre enfant et portez son attention sur les odeurs. Faites-lui sentir différentes choses : une motte de terre, une poignée de feuilles décomposées, une écorce… et faites-le deviner de quoi il s’agit.

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Yeux bandés toujours, sollicitez le toucher en faisant caresser différents troncs d’arbre à votre enfant. Certains sont très lisses, d’autres ont une grosse écorce en relief, etc. À lui de retrouver ensuite chaque arbre, les yeux ouverts !

Focalisez-vous ensemble sur les bruits. L’oiseau, le vent, les pas… Au bout d’une minute, proposez-lui de se boucher les oreilles avec ses mains. Le silence… On “voit” ainsi moins bien la nature autour de soi. Rien de tel pour prendre conscience de l’importance de l’ouïe dans la perception de notre environnement !

Découvrir La vie secrète de la forêt

“À l'école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.

Ce n’est pas un hasard si la forêt est le décor de tant de contes merveilleux : elle est propice à l’imaginaire ! Ensemble, regardez autour de vous. Si vous étiez un petit lutin, quel recoin auriez-vous choisi pour maison ? Et si vous l’aménagiez, à mi-chemin entre cabane miniature et land art ? Des petites branches, de la mousse, des fleurs, des feuilles…, jamais le lutin n’aura eu un si beau refuge !

Vous retrouverez ces idées et bien d’autres dans le livre Tous dehors ! en forêt de Patrick Luneau, Salamandre, 2018, 19 €.

“À l’école de la nature”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Chloé Perarnau.
Couverture du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019, et son supplément pour les parents.

 

Le gâteau de SamSam

Le gâteau de SamSam

Le SamGâteau pour tous les petits héros qui sont aussi des petits gourmands. Une recette simple à réaliser avec votre enfant. Téléchargez les éléments pour décorer votre gâteau.

Le gâteau de SamSamLe SamGâteau est un délicieux gâteau à la pomme paru dans le magazine Pomme d’Api. Découvrez la recette, très simple à réaliser avec votre enfant et tellement amusant avec son décor SamSam. Refaites-le à volonté en téléchargeant ci-dessous les éléments du décor :

Bon appétit !
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Sexualité : comment répondre aux questions des enfants ?

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(suite…)

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Lire avec son enfant, pourquoi c’est important ?

Aucun doute : lire des histoires à son enfant, c’est indispensable pour son développement ! Mais savez-vous ce que crée cette lecture partagée ? Pomme d’Api vous propose de découvrir les bienfaits de ce moment complice et ô combien précieux de la relation parent-enfant.

Se rapprocher autour d’une histoire

Leurs petites têtes reposent chacune sur une épaule de leur papa. La gauche pour Antonin (4 ans), la droite pour Jules (3 ans). Chaque soir, installés sur le lit parental, ils viennent se pelotonner contre leur père – dont le téléphone portable est resté dans le salon – pour profiter de l’histoire du soir.

Formatrice en littérature jeunesse, auteure de Ces livres qui nous font grandir (Didier Jeunesse), Joëlle Turin est formelle : “Rien ne rapproche autant un parent de son enfant que la lecture d’une histoire.” Le temps du livre, c’est un “cercle magique”, affirme-t-elle, qui englobe enfant et parent.

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Psychologue, psychanalyste et formatrice ACCES (Actions Culturelles contre les Exclusions et les Ségrégations), Nathalie Virnot confirme : “La lecture constitue un temps suspendu, une parenthèse dans laquelle on fait une place toute particulière à l’enfant. C’est un temps où on reconnaît ses choix : il choisit l’histoire, décide de revenir en arrière, de s’arrêter sur une image…” Mots, expressions, mouvements : via la lecture, le parent saisit de nouvelles facettes de son petit. Il en est de même pour l’enfant qui découvre son parent-lecteur “animé par de nouvelles émotions, de nouveaux sentiments”, analyse Nathalie Virnot.

Lire ensemble, c’est aussi se créer une culture familiale commune et vivre des expériences qui, selon les mots du psychanalyste Evelio Cabrejo Parra, « resteront gravées jusqu’à la fin de ses jours dans son “livre psychique” ».

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

S’identifier, se projeter dans des personnages attachants

Camille (3 ans) adore les histoires de Lionel le lion. Marceau (5 ans), son grand frère, raffole des histoires de Petit Poilu. “Pour un enfant, par rapport aux personnages, il y a deux modes d’approche, résume Joëlle Turin : l’identification (l’enfant va aller vers celui qui lui ressemble) et la projection (l’enfant va aller vers celui qu’il voudrait être).”

Mais comment expliquer l’attrait des petits pour des personnages d’animaux ? Joëlle Turin rappelle que, dans la vie, spontanément, l’enfant a tendance à aller vers les bêtes. Elle nous invite à regarder le personnage de Babar : “Il se déplace un peu comme un bébé avec ses couches. D’ailleurs, la plupart des personnages animaux sont des bébés. Il existe donc une proximité morphologique, mais aussi une proximité dans la découverte du monde.” Le recours à l’animal permet également à l’enfant de s’identifier, tout en conservant une certaine distance. “L’animal est comme un masque derrière lequel l’enfant peut choisir de se voir… ou non”, poursuit Joëlle Turin.“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Quant aux histoires qui seraient “pour filles” ou “pour garçons”, Nathalie Virnot balaie le débat d’un revers de main. Un enfant peut s’identifier à un personnage quel que soit son sexe : “Considérer qu’il existe des livres pour filles ou pour garçons, c’est fermer tout un pan d’imaginaire au petit. Un enfant a le droit et a besoin de rêver à ce qui n’est pas sa réalité  !”

Décrypter les images avant de savoir lire

“Attends ! Va pas trop vite, j’ai pas eu le temps de regarder les images !” Quel parent n’a pas entendu cette supplique alors qu’il s’apprêtait à tourner la page d’un livre ? Et pour cause : chez les 0-6 ans, avant l’apprentissage de la lecture, l’illustration permet l’accès direct à l’histoire. D’autant que, comme le note Joëlle Turin, “l’illustration est un langage en soi. Il existe un jeu entre le texte et l’image. L’un ne dit pas la même chose que l’autre.” D’ailleurs, souligne Nathalie Virnot, “le petit apprend à décrypter le monde par des détails : la couleur du ciel, le visage de ses parents…” Le regard se globalise seulement un peu plus tard.

Avec les illustrations, l’enfant peut même prendre l’adulte par la main et se sentir valorisé ; certes, il ne sait pas lire, mais il voit tous ces petits détails qui fourmillent au gré des pages et échappent à notre regard de “grand”. “Je suis toujours émerveillée par la capacité d’anticipation des enfants, rapporte la psychologue. Même s’ils n’ont jamais lu le livre auparavant, ils sont capables, grâce à ces indices visuels, de vous dire ce qui va se passer à la page suivante.” De quoi être sacrément fier de soi ! Et puis, en navigant d’un style graphique à l’autre, en identifiant “la patte” de l’illustrateur, c’est aussi leur goût artistique qui s’affine.

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Lire… et jouer !

Partager une histoire est un jeu comme un autre ! “On découvre les capacités de l’enfant, ce qui l’anime. La lecture est un moment de jubilation et de joie !”, affirme Nathalie Virnot. D’ailleurs, si on y réfléchit bien, le livre repose sur le même fonctionnement qu’un jeu : “La première chose que nous propose une histoire, c’est d’en deviner la suite, rappelle Joëlle Turin. Anticiper, imaginer, c’est finalement jouer aux devinettes !”

Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux livres jeunesse mettent en scène des jeux pratiqués par les enfants eux-mêmes : le cache-cache, le loup, le “faire semblant”… Joëlle Turin poursuit : “D’autres reposent sur le jeu d’empilement, la notion de liste ou bien, dans la forme, empruntent le rythme de la comptine.” Bref, aucune raison d’enfermer la lecture dans le registre des “activités sérieuses”, au contraire : “Les enfants rentrent beaucoup plus facilement dans les formes ludiques. La meilleure façon d’apprendre, c’est de jouer.”

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Explorer le monde et construire ses défenses

Plonger dans un livre, pour un enfant, c’est explorer le monde tout en se sentant sécurisé. D’abord par la présence du parent : “Cette proximité physique le contient”, analyse Nathalie Virnot. Le tout-petit se sent également “contenu” par la structure même de l’ouvrage : “On ouvre, l’histoire est dedans. On ferme, l’histoire reste dedans”, résume la psychologue.

Joëlle Turin voit aussi dans la lecture un bon moyen de construire ses défenses : “À travers l’imaginaire du livre, le petit vit des choses. Les émotions sont aussi fortes que dans la vie, mais il n’y a pas de traumatismes. L’imaginaire recoupe des expériences de la réalité, comme la séparation ou l’absence, mais d’une autre façon.” À l’adulte de capter les expressions, les mots de l’enfant pour poursuivre le dialogue autour de l’histoire.

Et puis s’immerger dans une histoire, c’est aussi découvrir de nouvelles manières de penser, de nouvelles façons de vivre qui sont autant de possibilités, pour lui, d’élargir son horizon. Quel plus beau passeport pour faire ses premiers pas dans la vie ?

“Lire avec son enfant, pourquoi c’est important”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°647, janvier 2020. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°647, janvier 2020
“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

3 cabanes à construire en famille

Refuge, cachette, repaire, cocon pour rêver… nos cabanes se construisent en famille, avec l’aide des enfants, dans le jardin ou la maison. Laissez-vous guider, tout est expliqué dans notre supplément pour les parents, à télécharger et à partager ! Bel été à tous !

Ma tente au fond du jardin

Matériel
• un grand drap, une grande nappe ou une couverture
• de la ficelle
• des pinces à linge
• quelques gros cailloux
• et deux arbres !

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

Réalisation : 20 minutes
1) Tendre la ficelle entre deux arbres à environ 1,20 m du sol.
2) Plier le drap en deux et l’étendre sur la ficelle. Le maintenir en place avec les pinces à linge.
3) Maintenir au sol les deux pans de drap écartés à l’aide de quelques gros cailloux.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
Aller chercher les gros cailloux.
Aider à tendre la ficelle entre les arbres.
Mettre les pinces à linge.

Ma cachette sous la table

Matériel
• une table rectangulaire
• une nappe en papier
• des crayons ou des feutres à large mine
• des ciseaux
• du Scotch

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

Réalisation : 2 heures
1) Recouvrir la table avec la nappe dans le sens de la largeur. Si besoin, découper le papier qui traîne par terre.
2) Tracer un trait sur la nappe le long des 2 grands bords de la table. Marquer ces 2 plis.
3) Retirer la nappe et l’étaler au sol pour dessiner. Tracer d’abord le contour de la porte. Découper verticalement au milieu (voir croquis à télécharger), puis horizontalement sur le haut (voir croquis à télécharger) : on obtient comme deux volets que l’on rabat et que l’on scotche à l’intérieur. Cela consolide le contour de la porte.
4) Dessiner le décor : fenêtres, volets, végétation, animaux…
5) Pour les 2 petits côtés de la table, découper des morceaux de nappe à la bonne taille. On peut y découper des fenêtres ou un hublot, avant de les scotcher de l’intérieur.
6) Il ne reste plus qu’à remettre la nappe sur la table, la scotcher le long des pieds, et se cacher dessous.
Astuce : pour une cabane plus solide et pérenne, on peut faire la même chose avec un vieux drap.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
Dessiner le décor.
Aider à découper et à scotcher les morceaux de nappe.

Ma hutte au fond des bois

Matériel
• une branche solide de 2 m de long au moins
• 2 branches de 1,70 m environ avec une fourche au bout
• des branches de tailles variées
• si possible, un gros caillou ou une souche
• une scie
• de la ficelle
• des ciseaux

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

Réalisation : 1/2 journée dehors
1) Ramasser des branches de tailles variées.
2) Soigner particulièrement le choix de la faîtière (la branche principale) : solide, pas trop lourde, pour ne pas assommer les enfants en cas de chute.
3) Caler si possible une extrémité de la faîtière sur un gros caillou ou une souche afin de surélever un peu le toit.
4) Maintenir l’autre extrémité en hauteur à l’aide des deux branches pourvues de fourches, bien écartées, bien enfoncées dans le sol.
5) Consolider ce support avec de la ficelle. On peut ajouter une branche horizontalement, pour renforcer la “charpente”.
6) Recouvrir cette armature avec les branches classées par ordre de taille. On peut aussi finir par du feuillage, comme des fougères.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
Aller chercher toutes sortes de branches et de feuillages.
Creuser les petits trous où l’on piquera les fourches.
Recouvrir la hutte en disposant les branches par ordre de taille.

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°642, août 2019. Idées, réalisation et photos : Raphaële Vidaling.

Éloge de la cabane

Passionnée par l’habitat minimaliste, Fiona Meadows enseigne à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Elle a contribué à l’exposition “Cabanes”, que l’on peut visiter jusqu’au 5 janvier 2020 à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris (+ d’infos dans le dossier à télécharger ci-dessous). Elle répond aux questions de Pomme d’Api.

Fiona Meadows - Photo : Édouard Richard/MAIF

La cabane fait-elle partie de vos souvenirs d’enfance ?
Fiona Meadows : “Oh oui ! Nous vivions dans un petit appartement. Mes premières cabanes, c’étaient la table de la cuisine recouverte d’un grand drap, le parapluie ouvert au-dessus du lit, les grands cartons d’emballage, renversés, découpés. Je me suis rendu compte plus tard que c’était architectural : une structure (la table, le lit…), une enveloppe (le drap, la couverture…). L’été, à la campagne, nous construisions des cabanes dans les arbres. C’est plus difficile, il faut savoir faire des nœuds, couper du bois… On se faisait aider par mon père et mon oncle. Un plaisir rituel et partagé !”

Que cherche l’enfant, en construisant une cabane ?
F. M. : “Un petit coin à lui, un habitat à son échelle, éloigné du regard des parents, où il peut s’inventer des histoires. Il va se l’approprier, l’habiter avec ses doudous, ou bien seul, pour lire, jouer ou rêver ! Je pense que c’est instinctif, comme le chat qui va se nicher dans un recoin : il est important d’autoriser l’enfant à le faire, librement ! Le plaisir de la cabane réside à la fois dans le fait de la construire, de l’habiter, et de la déconstruire.”

Pour un architecte, la cabane, c’est quoi ?
F. M. : “C’est l’origine de l’architecture ! Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise cabane, tout est possible tant que l’enfant se l’approprie. Je rêve de travailler avec des industriels du jouet pour concevoir du matériel de construction de cabanes, peu cher et adapté aux petits appartements. Pour que chacun puisse s’imaginer sa cabane, modulable et magique !”

“Rêves de cabanes”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°642, août 2019. Propos recueillis par Anne Bideault. Photo : Édouard Richard/MAIF.

Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°642, août 2019
“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

Peindre, un jeu d’enfant

L’enfant peint comme il joue. Avec bonheur et naturel. Nous nous sommes rendus dans un lieu où les enfants ne font que ça… Et le mot d’ordre, c’est “jouer” ! Reportage à l’atelier “L’où Jeu Peins”, près de Lyon.

À l’abri des regards et des commentaires

Sur une table roulante, godets, pinceaux et pots de couleurs sont alignés dans l’ordre des couleurs de l’arc-en-ciel, du blanc au noir en passant par le violet, le bleu, le vert, le jaune, l’orange et le rouge. Il y a un pinceau par godet, reconnaissable à la couleur de son manche. Les murs, recouverts de papier kraft du sol au plafond, sont constellés de traces de peinture. Nous sommes à l’atelier “L’où Jeu Peins”, dans la métropole de Lyon. Dans cette pièce ne pénètrent que les participants : enfants, adolescents et adultes… Les parents, les curieux, restent sur le seuil. Car il est primordial de faire l’expérience du “jeu de peindre” à l’abri des regards et des commentaires.

Vanessa Walter a fondé cet atelier et y anime ces séances d’expression libre depuis treize ans. Pour cela, elle s’est formée auprès du pédagogue Arno Stern, qui a initié cette approche dès 1946 et l’a depuis théorisée. Une façon pour Vanessa d’allier sa formation initiale en arts appliqués à son engagement dans des mouvements d’éducation populaire. Elle installe aussi son dispositif dans des crèches, des écoles, des relais d’assistantes maternelles…

Une grande feuille blanche…

Vanessa Walter récuse les termes “éveil artistique” : “Ce n’est pas de l’art que je propose, mais de l’expression. L’expression est à la portée de tous, quels que soient les compétences, le milieu social, l’âge, la langue…” Au début de l’atelier, chaque “joueur”, pour reprendre l’appellation qu’elle utilise, prend une grande feuille blanche et la fixe au mur avec des punaises. Les enfants les plus jeunes, âgés d’à peine 3 ans, disparaissent derrière les immenses feuilles de papier qu’ils doivent saisir les bras grands écartés !

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

Aujourd’hui, Léa est là pour la première fois. Toute menue dans un large tablier, elle se tient sans bouger, muette, au milieu de la salle. Ses yeux balayent l’espace, se posent sur la table-palette, puis sur les autres enfants qui jouent de leurs pinceaux sur leurs feuilles. Vanessa laisse s’écouler un peu de temps, avant de lui dire doucement : “Les feuilles sont là, si tu veux, tu peux en prendre une.” La petite fille reste immobile, jusqu’à ce que Vanessa lui propose son aide et la prenne par la main : “Je n’interviens que si je vois que l’enfant ne sait pas comment s’y prendre. Certains enfants préfèrent observer longuement. Notre société valorise l’action, mais pour les activités autour de la création – peinture, danse, musique… – il est précieux de les laisser prendre le temps.” Concentrée, Léa se met à tracer des courbes roses sur le blanc du papier. Elle ne changera de couleur que bien après.

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

Les petits sont absorbés par la manipulation du matériel : le pinceau à tremper dans le godet ou dans l’eau. Ils multiplient les allers-retours entre la feuille et la palette. À les observer, on se rend compte qu’il n’est pas si facile de retrouver la couleur correspondant à son pinceau. Pas plus que sa feuille ! Certains tracent allègrement sur celle de leur voisin. Vanessa les guide de sa voix douce : “Ta feuille à toi, elle est là. Tout doux avec le pinceau, comme une caresse !” Lorsqu’une goutte tombe sur le linoléum, les enfants vont spontanément chercher de quoi l’essuyer. Des gants de toilette humides sont à leur disposition. À côté de Léa, Samuel est en arrêt : les yeux écarquillés, il contemple sa main, devenue bleue.

Hanine a manipulé un pinceau noir avec énergie. Elle demande une autre feuille, et va déjà chercher des punaises pour la fixer. Sans un mot, Vanessa décroche la première œuvre d’Hanine et la suspend plus haut pour qu’elle sèche, aux côtés d’une bonne dizaine d’œuvres réalisées depuis le début de la séance.

“C’est le moment qui compte, pas le résultat”

Aucune feuille ne sortira du lieu, elles seront rangées dans de grands cartons à dessin. Les enfants ne rapportent rien dans les familles. Ni aujourd’hui, ni à la fin de l’année. La règle est la même pour les participants adultes.

Pourquoi ne pas montrer ce qu’on a fait ? “Je compare le jeu de peindre à celui de la dînette : c’est le moment qui compte, pas le résultat. J’explique aux enfants que je suis la gardienne des peintures. Je les conserve, je les protège, pour que personne ne puisse dire “C’est beau”, “C’est pas beau”, ou “C’est quoi ?”.

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

À bien y réfléchir, s’extraire ainsi de la pression du résultat est libérateur. On se recentre sur le vécu : “Je ne rapporte aux parents que ce que j’ai observé de l’attitude de l’enfant : son comportement, son bien-être, son sérieux… La trace ne dirait rien de tout ça.” De même, faire des commentaires, même admiratifs (“Waouh, c’est beau !”) habitue l’enfant à attendre un jugement de valeur sur ses réalisations. “Tous les enfants jouent à tracer pour eux-mêmes, mais quand ils se rendent compte que l’adulte porte un avis sur ce qu’ils font, ça stoppe leur créativité ! Il n’y a qu’à voir combien d’adultes sont bloqués !”

Quand elle sent qu’un enfant commence à décrocher, Vanessa l’oriente vers une table où sont disposées des petites mottes d’argile : “Le pinceau nécessite des gestes doux. Le malaxage de la terre, que l’on peut frapper, tordre… permet d’être dans un contact tactile souvent apaisant.” Après quelques minutes de modelage, Samuel choisit de retourner peindre. Dans la salle, l’atmosphère est calme. “Je suis à leur service, garante du cadre, gardienne de leurs créations, conclut Vanessa. Je ressens beaucoup leur plaisir, leur concentration, leur détente.”

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.

Petits conseils pour peindre à la maison

Réduire le nombre de couleurs : trois suffisent !
Utiliser des pots peu profonds pour éviter qu’ils ne se renversent.
Disposer autant de pinceaux que de couleurs, avec un support pour chacun (une assiette).
Laisser à disposition une lavette humide pour que l’enfant soit autonome.
Fixer la feuille sur un support pour éviter qu’elle ne bouge. Si vous pouvez installer un chevalet ou utiliser un mur, faites-le : un support vertical permet des mouvements plus amples, plus libres.
S’y mettre aussi, pour soi, sans “faire à la place”, même si on vous le réclame !
Retenir ses commentaires et son analyse : une création n’a pas à représenter forcément quelque chose. Libre à l’enfant de vous expliquer ou non son dessin.
Privilégier la description : “Tu as utilisé du jaune, et tu es monté jusqu’en haut de la feuille. Là, je vois que c’est bien plus foncé qu’ici. Alors que sur tout ce côté, je vois que tu n’as pas mis de couleur.”

Pour aller plus loin : “Le Jeu de Peindre”

“Le but […] n’est pas de transmettre une technique artistique : ici, l’objectif est de libérer le geste créatif, la trace et la personne qui peint.” Toute la démarche d’Arno Stern expliquée dans cet ouvrage qui s’adresse aux parents, aux éducateurs et aux enseignants, et qui décrit comment par “le Jeu de Peindre”, tout être humain est capable d’exprimer ce qui ne pourrait être exprimé par aucun autre moyen. “Le Jeu de peindre”, Arno Stern, Actes Sud, 2011.

“Peindre, un jeu d’enfant”, Pomme d’Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Amélie Fontaine.
Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°649, mars 2020